Illumination(s) – Ahmed Madani
Illumination(s), c’est la décolonisation, racontée par quelques-uns de ses fils, jeunes et créatifs. Sur scène, ils sont neufs, parfois comédiens, parfois choristes, toujours justes, toujours sensibles.
Illumination(s), c’est donc aussi l’incarnation sensible, des quartiers que l’ont dit sensibles, ici pour des raisons d’abord humaines et artistiques. Illumination(s), c’est un sombre rêve éveillé, entre la vie et la mort. Il donne à voir non pas la réalité, mais une réalité, au-delà des stigmates dans lequel l’enferment les lieux communs de la pensée collective et du discours médiatique.
Dormeurs du val-fourré
Sur scène, l’objet de ce discours devient donc un sujet, mis en scène par l’auteur Ahmed Madani. En 1959, il arrive avec sa famille, dans la cité où 6 de ses « dormeurs du val » grandissent: le val-fourré, à Mantes-la-Jolie. Il puise alors dans ses souvenirs, ses interrogations et celles des jeunes qu’il embarque dans cette aventure, pour écrire et mettre en scène un fil invisible et controversé, que nos livres officiels d’histoire n’assument pas assez: celui qui relie le passé colonial de la France, à sa réalité socio-économique actuelle. Celui qui relie la violence d’hier à la violence d’aujourd’hui. Certains historiens ou sociologues l’ont déjà exploré. Abdelmalek Sayad, par exemple. Mais ici, le théâtre le rend plus accessible, plus proche, plus sensible.
Territoires de la mémoire
Ce fil apparait dans le rythme très poétique de la mise en scène. Echos, anaphores, résonnances, synchronisation: une vraie chorégraphie des gestes, des voix ou des mots anime les tableaux scéniques sombres et sobres, parfois figés, parfois en mouvement. Cette mise en scène orchestre un va-et-vient constant et maîtrisé entre différents territoires de la mémoire, différentes générations, différentes temporalités: du passé colonial à la réalité sociale contemporaine; du temps de l’écriture à celui de l’interaction directe avec le public.
L’obscurité des costumes, du jeu de lumières et de l’atmosphère résonne avec la gravité du propos. Et pourtant, souvent, on sourit. Et parfois même, on rit. A la maison des metallos comme à Avignon cet été -où la troupe jouait à guichet fermé – on imagine cependant un public majoritairement étranger à la réalité racontée. Mais les réferences sont communes. Et biensûr, l’histoire. Et surtout, le language: celui d’un théâtre qui se pense et se ressent, plus qu’il ne se voit et ne s’entend. Un théâtre que l’on emmène avec soi, bien après les applaudissements.
Lydie Mushamalirwa
@M_lydie
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Illumination(s)
Texte et mise en scène de Ahmed Madani
Avec Boumès, Abdérahim Boutrassi, Yassine Chati, Abdelghani El Barroud, Mohamed El Ghazi, Kalifa Konate, Eric Kun-Mogne, Issam Rachyq-Ahrad et Valentin Madani
Création vidéo: Nicolas Clauss // Création sonore: Christophe Séchet
Création lumières et direction technique: Damien Klein
Costumes: Ahmed Madani et Virginie Houdinière
Durée: 1h20
Tournée 2013
Maison des Metallos
Samedi 19 octobre à 19h
Dimanche 20 octobre à 16h
Théâtre du Mans
Les 6 et 7 novembre 2013
Théâtre de Grasse
Le 19 novembre 2013
Collectif 12 (Mantes-la-Jolie)
Du 6 au 15 décembre 2013
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