Les hommes scotchés – Compagnie Mi-Octobre de Serge Ricci
Les hommes scotchés font partie du second pan du travail de la compagnie. A l’arrivée, en ce début de printemps, en un dimanche pluvieux, le dispositif performatif s’est adapté au cadre du studio du Point Ephémère, carré, avec deux rangées de spectateurs de part en part. Un cadre classique, somme toute. Qui va être bouleversé par la prestation.
Deux créatures indécelables, sous l’accumulation de papier journal, de scotch, saturant le mouvement par une savante accumulation, trônent sur scène. De cet aspect emmailloté, va s’extraire un mouvement de plus en plus libre, de plus en plus signifiant des sentiments humains, quoique farouchement, magistralement abstrait. Sous le papier, des académiques intégraux masquant même la tête se dégagent. Nos deux corps se rapprochent, se scrutent, s’inspectent, se désirent, s’attrapent, uniquement par la grâce d’intuitions kinesthésiques accrues par le visage masqué.
Dans cette œuvre à l’aveugle, qui fait la part belle à la métamorphose, on s’achemine progressivement vers la disparition, introduite en douceur par la mélopée de la nuit obscure de Lou Reed (mix ramené d’un voyage en Islande par la compagnie). Une douce, tentante, romantique et surréaliste disparition. Un effacement de la chair, de la vie peut-être, mais jamais sans plaisir ni sans sens altruiste et sensation. Une disparition sentimentale, subtilement et puissamment orchestrée par une gestuelle discrète, fluide et pleine de rebondissements dans des portés inattendus et burlesques… On sort de ce moment en suspension onirique plein de visions magiques et enveloppantes… Même les enfants présents dans la salle y sont sensibles. Serge Ricci a l’art d’évoquer les choses graves sans les nommer et en les posant dans l’écrin de la légèreté. Travail chavirant d’une poésie de la pénombre.
Bérengère Alfort
[Visuel : LHS, crédit Jacky Ley]
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