Les Enfants du silence : un spectacle magistral
Les Enfants du silence De Mark Medoff Adaptation française : Jean Dalric et Jacques Collard Mise en scène d’Anne-Marie Étienne Avec Catherine Salviat, Alain Lenglet, Françoise Gillard, Laurent Natrella, Nicolas Lormeau, Elliot Jenicot et Anna Cervinka Du 17 janvier au 26 février 2017 Mardi au samedi à 21h Tarifs de 19€ à 53€ Réservation en ligne Théâtre Antoine |
Du 17 janvier au 26 février 2017 La Comédie-Française présente en ce moment la pièce de l’Américain Mark Medoff qui fut réalisée et reçut un Oscar au cinéma avec William Hurt et Marlee Matlin en 1986. Dans l’adaptation française de Jean Dalric et Jacques Collard, après la prestation éblouissante d’Emmanuelle Laborit, comédienne sourde, c’est Françoise Gillard qui reprend le rôle dans une mise en scène formidable d’Anne-Marie Étienne. Hors d’atteinte Sarah est une jeune fille sourde de naissance. Elle vit dans un institut de rééducation pour sourds et malentendants mais, contrairement à Denis (Elliot Jenicot) ou Lydia (Anna Cervinka) qui progressent dans l’acquisition du langage oral, elle a toujours refusé de parler ou même de lire sur les lèvres. Farouche, rebelle et agressive, elle fait le ménage dans l’institut et se mure dans le silence. Quand débarque Jacques, un orthophoniste brillant et plein de bonne volonté quant à la réussite de ses élèves, c’est le clash. Sarah résiste mais Jacques persévère en inventant des moyens de communiquer avec sa nouvelle élève. L’intelligence fulgurante de Sarah séduit Jacques qui entreprend avec elle un chassé-croisé quasiment amoureux par un langage codé, une danse entre le langage des sourds et celui des entendants, perturbant considérablement l’ordre des statuts de chacun dans l’institut. Des acteurs totalement investis et dirigés formidablement La difficulté de monter une telle pièce réside dans l’apprentissage de la langue des signes, codifiée depuis de nombreuses années et devenue enfin langue officielle en France depuis 2005. Françoise Gillard réalise une saisissante performance d’actrice dans le rôle de Sarah en faisant preuve d’une maîtrise parfaite de ce langage et d’un engagement physique et émotionnel exceptionnel. La comédienne, qui a appréhendé la surdité à travers l’une de ses sœurs, est Sarah jusqu’au bout des ongles. Dure et cassante, fragile et forte, tendue comme un arc, ce petit bout de femme, agitée de soubresauts et de gestes qu’elle réalise comme une chorégraphie, nous propulse dans un monde qui est le sien et qu’elle revendique à part entière. Incomprise, traumatisée par la séparation de ses parents et par son propre départ en institution, Sarah refuse de s’adapter au monde du bruit et aux normes d’une réalité sociale qui lui sont imposées. Face à elle, Laurent Natrella est sidérant dans le rôle de l’orthophoniste amoureux d’une élève qui lui résiste. Véritable acrobate des deux langages, pris en étau entre deux mondes, le sien avec ses perspectives de mariage avec Sarah et celui de l’institut avec les revendications des autres étudiants qui réclament son attention et un droit à la différence, le comédien trouve dans cette incarnation une puissance émotionnelle et une sincérité remarquables. Une scénographie cinématographique Anne-Marie Étienne a compris que la reproduction réaliste des différents lieux conduirait à alourdir l’espace et a donc fait le choix d’une scénographie minimaliste et subtilement colorée, usant de lumières chaudes et douces et multipliant les fondus enchaînés cinématographiques. Les scènes se juxtaposent et se superposent même avec légèreté et souplesse, sans temps mort comme dans un film. L’objectif réussi de cette scénographie fluide et élégante sert la pièce, en ce qu’il nous permet de réaliser que Sarah et Jacques ne peuvent presque à aucun moment se retrouver seuls, les autres personnages ne cessant de leur tourner autour, envahissant leur espace vital. Elliot Jenicot et Anna Cervinka rivalisent tous les deux de talent et de sobriété dans l’interprétation de leurs personnages de malentendants, comme Nicolas Lormeau (le directeur) et Catherine Salviat (la mère). La création du son et de la musique, par François Peyrony, faisant entendre au public les vibrations perçues par les sourds, contribue à la réussite de la pièce qui unit le singulier à l’universel en célébrant l’humain. Hélène Kuttner [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=vpFZcsg18BM[/embedyt] [Photos © Cosimo Mirco Magliocca / collection Comédie-Française] |
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