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“Les Collectionnistes” au Petit Montparnasse : à la source d’une révolution artistique

Helène Kuttner 29 janvier 2025
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@Fabienne Rappeneau

Le metteur en scène Christophe Lidon met en scène avec beaucoup de finesse le marchand d’art Paul Durand-Ruel et son épouse, ainsi que Jean Renoir et un journaliste de l’époque, dans une pièce écrite par François Barluet. Christelle Reboul et Christophe de Mareuil sont les brillants interprètes de ce couple hors du commun qui va transformer notre regard sur les Impressionnistes. 

Un marchand fou et visionnaire

@Fabienne Rappeneau

Pour faire connaître des artistes novateurs comme les Impressionnistes en 1870, il fallait des phares, des visionnaires qui puissent payer les artistes, les pousser à produire, pour exposer leurs toiles en risquant les quolibets et les injures. Paul Durand-Ruel était l’un d’eux. Monarchiste convaincu, catholique pratiquant, veuf à quarante ans, son goût pour l’art et sa curiosité insatiable, mêlées à un sens des affaires et une soif de transmettre, firent de lui un extraordinaire et magistral passeur. Courbet, Pissaro, Manet puis Monet, Renoir furent découvert et exposés en grande partie par ce père de cinq enfants, collectionneur passionné, qui sut trouver la force et les mots pour mettre en valeur chaque artiste qu’il admirait, contre les vents et les marées mauvaises d’une critique détestable. « Impression, j’en étais sûr » raconte le critique Jules Leroy en décrivant les réactions outrées devant la toile de Monet « Impression, soleil levant ». « Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans. Le papier peint à l’état embryonnaire est encore plus fait que cette marine-là ! »

Des achats compulsifs

@Fabienne Rappeneau

Des centaines de toiles de Monet, des dizaines de Renoir : nous sommes dans la maison du couple Durand-Ruel et le marchand ne cesse de montrer des toiles à son épouse, agacée des dépenses et de l’absence de revenus que génèrent ces achats. « Vous commercez peu mais collectionnez beaucoup » lui lance cette dernière. Dans un beau décor signé Christophe Lidon, éclairé avec grâce par Moïse Hill, et des astucieuses vidéos de Léonard, Christophe de Mareuil est l’élégant marchand d’art dont les yeux frémissent devant le grain de peau des nus de Renoir, l’éclat orangé des reflets du premier soleil dans le port du Havre de Manet. Il est celui qui défendra le dépassement de l’imitation, de la simple représentation, celui qui salue l’effet de cette peinture qui ne cherche jamais à imiter la vie. Christelle Reboul interprète son épouse, femme puissante et séductrice, qui n’aura de cesse de critiquer les choix de son mari, tout en défendant elle aussi la liberté artistique et les artistes. François Barluet fait la part belle à ce personnage qui se bat en lionne pour sauver le ménage de la ruine financière, en négociant habilement avec chacun et la comédienne excelle dans la composition de ce personnage agaçant autant qu’attachant.

Renoir enflammé

@Fabienne Rappeneau

Et puis il y a dans la pièce le tout jeune Auguste Renoir, que joue Victor Bourigault, la tignasse rouquine et la silhouette romantique, aussi sensible et tendre que ses toiles à l’humanisme radieux. Il y aussi un journaliste, incarné par Frédéric Imberty, qui nous raconte ses émois devant la première exposition des jeunes impressionnistes dans l’atelier du photographe Nadar à Paris. Le scandale est ouvert, et la photographie ainsi mise en vedette, prête à être démultipliée en milliers d’exemplaires, poussera les artistes peintres à être encore plus novateurs, plus créatifs. Si la photographie représente le réel, la peinture doit le réinventer. Une pièce décidément lumineuse et intelligente, que les comédiens frémissants, habillés dans de beaux costumes de Jean-Daniel Vuillermoz, font palpiter devant nous. 

Hélène Kuttner

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