Les Cahiers de Nijinski : danse avec les mots
Les Cahiers de Nijinski De Vaslav Nijinski Mise en scène de Daniel San Pedro et Brigitte Lefèvre Avec Clément Hervieu-Léger et Jean-Christophe Guerri Jusqu’au 18 janvier 2015 Tarifs : 10 à 27 € Durée : 1h15 Théâtre de l’Ouest Parisien |
Jusqu’au 18 janvier 2015
Étoile russe d’origine polonaise, Vaslav Nijinski fut un météorite de la danse qu’il quitta à l’âge de 30 ans, alors qu’il sombrait dans la folie. Clément Hervieu-Léger s’empare du personnage dans un spectacle bouleversant. Pourquoi écrire quand on a passé ses trente premières années à danser ? Quand on a brillé comme soliste au Théâtre Marinski puis aux Ballets Russes après la rencontre décisive avec Diaghilev, créé des ballets aussi essentiels que L’Après-midi d’un faune ou Le Sacre du printemps ? Vaslav Nijinski était un faune, une étoile brûlante d’une liberté et d’une audace trop novatrices pour être comprises du public au début du XX° siècle. Trop virtuose, trop animal, trop moderne, il fut aussi un garçon plein d’amour qui finit par perdre la confiance qu’il avait en lui-même et dans les autres. La Première Guerre mondiale puis la révolution bolchévique le coupent de sa famille et, exilé en Suisse en 1919, il développe une pathologie schizophrène. Dans ces dizaines de pages écrites en six semaines avec une énergie furieuse, il se raconte : enfance, jeunesse, sexualité, relation de possession avec Diaguilev, plus apaisée avec sa femme, qui deviendra elle-même la maîtresse de son psychiatre, Dieu et l’amour, la nature et Zola. C’est une prose magnifique et poétique, traduite ici par Christian Dumais-Lvowski, qui est mise en scène superbement par Daniel San Pedro et Brigitte Lefèvre qui vient de passer vingt ans à la direction du ballet de l’Opéra de Paris. Pour ce texte d’un danseur qui parle de la danse mais surtout de la vie, un comédien, Clément Hervieu-Léger, doublé d’un danseur, Jean-Christophe Guerri. Dans une scénographie toute blanche, incurvée comme une immense vague, le couple masculin évolue en constant déséquilibre, sur la crête des mots et des sentiments. Pas de danse ni de musique, juste celle des corps statiques ou en mouvement, l’un en blanc, l’autre en gris. La sobriété est celle d’un diamant brut. Clément Hervieu-Léger, de la Comédie-Française, corps gracile et délicatesse infinie, nous distille une vérité d’une intimité bouleversante et juste, dans un enthousiasme lumineux et sacrément vivant. Une réussite totale que ce spectacle d’une absolue vérité. Hélène Kuttner [Crédit photos : François Rousseau] |
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