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Le théâtre privé en folie : la sélection des meilleures pièces

Hélène Kuttner 11 février 2023
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"Sur la tête des enfants" © Emmanuelle Roy

Depuis la rentrée, on assiste à une explosion de créations dans les théâtres privés de Paris. Pour vous aider à faire votre choix, nous vous proposons une première sélection de pièces qui pourront vous plaire. 

Sur la tête des enfants : Marie Gillain et Pascal Elbé dans un jeu de la vérité

© Fabienne Rappeneau

Au Théâtre de la Renaissance, Salomé Lelouch a tricoté une piquante comédie sur le terrible jeu de la vérité et les superstitions qui nous poussent à jurer « sur la tête des enfants » les choses les plus importantes. Marie Gillain et Pascal Elbé sont les deux époux qui se jurent fidélité, pour le meilleur… et pour le pire ! Elle est psychologue, lui est avocat, ils sont mariés et ont chacun un enfant. Une famille recomposée on ne peut plus normale, sauf que par manque de confiance et par jalousie, l’homme décide qu’ils se jureront chacun « sur la tête des enfants » une fidélité conjugale sans faille durant dix ans. La veille de la fin du pacte, cette fidélité vient à être sérieusement ébréchée par un évènement que l’on ne révélera pas. Salomé Lelouch s’amuse, au fil de scènes enlevées et cocasses, à dynamiter nos superstitions et nos illusions, mettant dans la cour des enfants terribles les hommes comme les femmes. Marie Gillain, en femme pulpeuse et déterminée, Pascal Elbé en séducteur roublard et sûr de lui, sont tous deux épatants. Constance Carrelet et Nathan Martin complètent astucieusement ce casting mis en scène avec beaucoup de fantaisie et de vivacité par l’auteur et Ludivine de Chastenet. Savoureux.

Théâtre de la Renaissance, jusqu’au 7 mai.

Albert et Charlie : Einstein et Chaplin, la rencontre entre deux génies

© Fabienne Rappeneau

Quand deux génies se rencontrent, les étincelles illuminent le ciel. Et quand ces génies ont en partage un humour et une humanité sans bornes, le théâtre peut s’inviter chez eux pour raconter leur rencontre, leurs souvenirs, leurs émotions partagées. C’est en 1931, à la première de son film Les Lumières de la Ville, que Charlie Chaplin, star internationale, fait la connaissance d’Albert Einstein, le père de la relativité moderne. L’écrivain Olivier Dutaillis a tissé une pièce lumineuse, en écho à l’amitié profonde entre les deux hommes, à travers trois époques différentes. Nous sommes en Amérique, chez Einstein qui s’y est installé définitivement, devenant citoyen américain depuis l’arrivée de Hitler en Allemagne en 1933. Poursuivant activement ses recherches scientifiques, il ne cessera toute sa vie de manifester publiquement ses opinions pacifistes, anti-racistes et libertaires. Charlie Chaplin partage cette manière de voir le monde, peignant la misère et la quête de fraternité et d’amour dans tous ses films. Daniel Russo est Einstein, moustache blanche et baskets face à Jean-Pierre Lorit qui campe finement Chaplin. Le beau décor de Catherine Bluwal, qui dessine une antre musicale et poétique, est un parfait écrin. Elisa Benizio, renversante et comique gouvernante d’Einstein, ponctue les scènes. Mis en scène par Christophe Lidon, ce voyage dans le temps nous réconcilie avec l’humanité.

Théâtre Montparnasse, jusqu’au 31 mai.

La Délicatesse : un spectacle beau et précieux

© Cie-Miranda

Peut-on tomber amoureux après avoir perdu un grand amour ? Comment un Suédois triste comme le blizzard nordique peut progressivement se muer en un être pétri de délicatesse et séduire une très jolie femme ? Toutes ces questions faussement idiotes, et d’autres encore, l’écrivain David Foenkinos les a posées dans un roman paru en 2009, et dont il a réalisé le film avec Audrey Tautou en 2011. Le metteur en scène et auteur Thierry Surace a eu la bonne idée d’adapter et de mettre en scène le roman avec trois personnages dont un narrateur, Jérôme Schoof, tour à tour conscience des personnages ou maître d’hôtel. Sélène Assaf (ou Clara Joly) interprète Nathalie, la femme qui va soudain perdre son mari, François, que joue Jean Franco. Dans un décor léger comme un rêve, et avec une fraîcheur, une vivacité et une délicatesse peu communes, les trois acteurs parviennent à donner vie, corps à ce très beau texte. Les silences, les jeux de mots, les digressions littéraires, les clichés du 12° degré y gagnent une sincérité charnelle. Les dialogues se parent d’une sensualité coquine, les scènes s’enchaînent avec une grâce particulière, celle du plaisir du jeu, du goût pour les mots, de l’attention à la moindre des émotions. Et en plus c’est drôle, ironique, mordant. Un spectacle profond et simple : un vrai bonheur.

Théâtre de l’Œuvre, jusqu’au 30 avril.

Suite Royale : Elie Semoun demande le divorce à Julie de Bona

© @David Koskas

A-t-on jamais vu un écrivain, père de famille modèle, depuis quinze années soutenu par son épouse, une femme magnifique qui assume toutes les dépenses du ménage, lui demander un beau jour de divorcer pour la protéger ? « Je te quitte par anticipation » lui déclare benoîtement le mari écrivain, après l’avoir invitée dans la suite royale d’un palace parisien et vidé son portefeuille. La raison d’une telle décision intempestive ? L’obtention à 99,9% du Prix Goncourt pour son dernier roman, que son éditeur vient de lui révéler. Un secret, révélé au public le lendemain, et qui doit changer leur vie. Installé dans une sublime suite aux dorures royales et aux fauteuils Louis XV, Elie Semoun campe cet écrivain lunaire qui perd la tête, projetant la réalité d’un fantasme longtemps rêvé de l’artiste alcoolique, névrosé, baignant dans le malheur et l’insatisfaction, courant de femme en femme. L’acteur parvient à décoller totalement du réel en s’inventant une autre vie, délivrant les pires méchancetés, les pires horreurs, à sa femme, en gardant le sourire dans ce cadre somptueux. Julie de Bona, en femme hyper active, jean et boots, est splendide de vérité et de sincérité. Les dialogues, concoctés par Judith Elmaleh et Hadrien Raccah, enchaînent les situations les plus grotesques, mais aussi les plus réalistes, avec beaucoup d’humour, ridiculisant les hommes avec leur orgueil et leur mauvaise foi ancestrale. Le couple, le monde de l’édition, l’argent, la gloire, autant de thèmes très actuels passés au peigne fin avec un brillant duo d’acteurs.

Théâtre de la Madeleine, jusqu’au 19 mars.

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