Le rêve chinois d’Angelin Preljocaj
« La Peinture sur le mur », ou bien : « La Fresque » : Un conte chinois du XVIIe siècle, une histoire d’amour onirique, spirituelle et merveilleuse, recréée pour la scène en images dansées par Angelin Preljocaj. Pour la première fois ces tableaux somptueux, embellis par les costumes d’Azzedine Alaïa, font escale à Paris.
Et c’est à Chaillot – Théâtre National de la Danse (dans le cadre de la programmation danse du Théâtre de la Ville) que le maître de ballet (comme on l’aurait appelé en d’autres temps) d’Aix-en-Provence présente cet opus qui charme l’œil et l’imaginaire. Pour la première fois, Preljocaj dédie expressis verbis une pièce à un public familial, sur suggestion du directeur du Théâtre de la Ville, Emmanuel Demarcy-Motta.
Un contre merveilleux
Le conte y est pour quelque chose, et inversement. Cette légende chinoise du XVIIe siècle voit les messieurs Chu et Meng, deux voyageurs, arriver, un jour de fortes pluies, dans un monastère isolé où un moine leur offre l’hospitalité. Pour les émerveiller un peu, il leur fait découvrir des salles aux murs couvertes d’une fresque somptueuse où des filles dansent en ronde, aux abords d’une pinède. L’une d’elles cueille des fleurs et Chu tombe amoureux de ses yeux cristallins. Elle lui sourit, il la suit jusque dans sa chambre…
Mais l’histoire se termine mal, avec l’arrivée d’un effrayant père fouettard. Est-ce le moine qui frappe contre le mur pour faire revenir Chu, qui avait disparu? Revenu aux côtés de son camarade Meng, Chu voit que la fille de la fresque porte désormais le chignon des femmes mariées. Emplis de frissons, Chu et Meng reprennent leur voyage…
Un songe chorégraphique
Angelin Preljocaj voit dans cette histoire non seulement une échappée vers nos rêves les plus doux, mais aussi la révélation d’une transcendance mystérieuse entre le réel et sa représentation, une interrogation sur le pouvoir de l’image et un questionnement de la danse, voire de l’art en général dans nos vies.
« La Fresque » n’est cependant pas un spectacle narratif, comme l’était « Blanche Neige ». Ici, Preljocaj se laisse inspirer par certains moments-clé et surtout par l’ambiance doucement bucolique et ensuite dramatique de l’histoire. Ni abstraite comme ses « Empty Moves », ni concrète comme dernièrement « Les Nuits », cette rêverie chorégraphique le révèle en tant qu’impressionniste et poète. « Une sorte de calligraphie chinoise avec le corps », dit-il.
Reflets de cheveux, jupes de rêve
Constance Guisset, styliste, designer et scénographe (elle signe aussi les décors de « Les Nuits ») plonge les danseurs dans la douce lueur de reflets aquatiques qui mettent en valeur les longs cheveux des danseuses, élément-clé du conte. Et les costumes signés Azzedina Alaïa – avant tout les jupes des filles, très coloriées et pleines d’effets visuels – ajoutent une dimension palpable à tant de matière rêvée et immatérielle.
Il faut bien sûr saluer la mémoire d’Azzedine Alaïa qui vient de nous quitter à l’âge de 77 ans et dont « La Fresque » est la dernière collaboration à une création pour la scène. Voir ses costumes s’envoler sur les corps des danseuses de Preljocaj, dans un va-et-vient entre la scène et un ailleurs imaginaire, confiera une émotion supplémentaire à ce voyage dansé. « La Fresque » possède les qualités philosophiques et sensorielles d’un conte qui trouble et fascine enfant et adultes. Une belle histoire à raconter la veille, pour la voir dansée le lendemain.
Thomas Hahn
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