“Le retour de Richard 3 par le train de 9h24” : une idée géniale
Réunir toute sa famille lors d’un dernier repas lorsqu’on a été condamné par la médecine est une bonne idée. Surtout lorsque les convives sont des comédiens qui jouent les différents rôles pour aider un père de famille à renouer les liens avec les siens. Cette idée géniale est celle d’Eric Bu, qui met en scène la pièce écrite et jouée par Gilles Dyrek, entouré par des comédiens épatants. Un régal de comédie !
Au nom du père
Pierre-Henri, PH pour les intimes, a fait fortune avec sa boite de communication mais se voit affublé, avec ses cheveux blancs de patriarche élégant, d’une maladie incurable. Comme le Roi Lear au seuil de sa vie, PH se doit, avant de tirer sa révérence, de réunir toute sa tribu afin de reconstituer une « cène » christique, un repas où femme, soeur, amis et enfants seront présents pour exprimer tous les manques, tous les regrets mais aussi toutes les émotions, les aveux, les frustrations qui n’ont jamais été dits. Le seul problème, est que notre héros, riche de bonnes intentions, aurait perdu toute sa famille dans un accident d’avion ! Reste donc pour lui à faire appel à une bande de comédiens réunis chaque soir dans une grande maison bourgeoise, qui vont incarner les membres de la famille disparue, avec des fiches appropriées sur chacun d’entre eux et la complicité de son meilleur ami, présent lui aussi à table.
Psychanalyse collective
Faire appel à des comédiens est une chose. Les comédiens sont en général des êtres dociles qui font peu ou prou ce qu’on leur demande. Mais lorsque ces comédiens se mettent à douter intelligemment de la véracité du projet sur lequel ils sont censés travailler, c’est là que le train déraille et que le fameux Richard, le fils de PH, quitte le navire. Est-ce que vraiment femme et enfants ont disparu dans un accident d’avion ? Et pourquoi donc ce père de famille cherche-t il à les ressusciter, à les faire parler ? Chacun se rend vite compte que cette vérité dissimule bien des mensonges, et que les comédiens eux-mêmes, à force de se mettre dans la peau de cadavres, les rendent plus vrais que nature, nourris de leur propres histoires. Cette comédienne qui joue la fille malheureuse, n’est-elle pas elle-même en demande constante d’attention ? Et cette belle-fille qui ressemble à une réelle tornade ? Et ce Richard deuxième version, qui débarque tel un Rambo dans un jeu de quille, pour faire exploser toutes les certitudes, dévoiler toutes les névroses ?
Comédiens épatants
Il faut pour incarner un tel maelström des comédiens aguerris, capables de jouer toute la gamme des émotions. Eric Bu les met en scène avec astuce, vivacité, et c’est un vrai régal de les voir jouer. Hervé Dubourjal joue ce père de famille totalement dépassé par les événements avec son complice, l’auteur Gilles Dyrek qui campe un personnage d’un narcissisme pathétique. Camille Bardery, qu’on a vue beaucoup au cinéma, est une épouse et une comédienne délicieusement perchée. Laurianne Escaffre incarne une torride belle-fille, qui se mue ensuite en victime légendaire des hommes. Isabelle de Botton, en alternance avec Sophie Forte, campent avec une belle énergie la soeur ou la comédienne vieillissante des EPHAD, quand Amandine Barbotte est le prototype de l’actrice dépressive et nihiliste. Dans le rôle du fils, Jean-Gilles Barbier réussit une performance athlétique en enflammant tout le repas et en brouillant toutes les pistes, alors que le vrai Richard, Benjamin Alazraki, débarque tel Fantômas d’un train de nuit. Une comédie renversante et sacrément maligne, sans un seul temps mort, et qui n’épargne personne.
Hélène Kuttner
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