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“Le Montespan”, une plongée décapante dans le grand siècle

Hélène Kuttner 30 avril 2022
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©Fabienne Rappeneau

Dans le plus petit des grands théâtres parisiens, le Théâtre de la Huchette, trois jeunes comédiens rejouent l’histoire incroyable de l’une des favorites du Roi Louis XIV, la Montespan, qui abandonna son mari au sort le plus ingrat et le plus ridicule, celui de cocu séparé et malheureux inséparable. Un spectacle formidable, adapté du roman de Jean Teulé par Salomé Villiers.




Aristocrate endetté

Dans le royaume de France dirigé par le Roi-Soleil, il fallait parfois ruser pour survivre malgré un titre de noblesse. Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, a du batailler au sens propre auprès de Louis XIV pour éponger les nombreuses dettes qui le submergèrent après son mariage avec Françoise de Rochechouart. Pour payer les meubles, les robes et l’éducation de leur premier enfant, le marquis s’engage dans l’armée du roi pour des batailles qui ne lui rapportent malheureusement aucune faveur financière. C’est alors que son épouse Françoise, d’une grande beauté et d’un esprit redoutable, se fait introduire à la cour et devient progressivement la favorite officielle de Louis XIV en donnant à ce dernier pas moins de sept enfants. Occupant un appartement proche du Roi, elle aura par ailleurs sur les arts et la culture une influence considérable en protégeant Molière, La Fontaine ou le poète Philippe Quinault.

Un cocu magnifique

©Fabienne Rappeneau.

Le romancier Jean Teulé a brossé avec sa verve érudite l’histoire rocambolesque et tragique du marquis de Montespan, un romantique fiévreux qui se lança dans une guerre totale contre son monarque pour récupérer son épouse, allant jusqu’à peindre en noir son carrosse qu’il surmonta de gigantesques cornes de cerf, devenant la risée de tout le pays. Poursuivi par des procès en attisant les menaces en tous genres, il alla jusqu’à fréquenter des prostituées pour tenter d’être infecté par des maladies vénériennes et les transmettre à sa femme pour contaminer le roi. Bref, un personnage de cocu tapeur et insoumis qui finira seul retiré sur ses terres de Gascogne. Cette multitude de personnages, le couple des Montespan et les pantins de la cour royale apparaissent donc dans l’intimité de ce petit plateau cerné par des superbes rideaux rouges. Trois magnifiques comédiens jouent une centaine de personnages, dirigés avec une précision machiavélique par Etienne Launay. 

Théâtre de poche

©Lot

On utilise les bords de scène pour s’embrasser ou se haranguer, les acteurs virevoltent d’un rôle à l’autre, se changeant à vue en balançant leurs costumes de velours carmin ou de toile écrue, tandis que la musique ravissante de Lully rythme les entrées et les sorties et imprime aux scènes de déchirement une touche de majesté royale. Salomé Villiers, qui porte le projet, est la Montespan, encore jeune et fraîche dans son tendre amour pour son jeune époux, jusqu’à la naissance de leur second enfant. Fine et gracile, la comédienne se mue en paysanne ou en veuve éplorée avec une impressionnante palette dramatique, tandis que Simon Larvaron campe le héros avec une beauté altière et un verbe aiguisé. Arlequin modeste mais multi-cartes, l’humoriste Michaël Hirsch campe tous les autres personnages avec un talent impressionnant, échangeant une barbe contre des moustaches, une perruque ou un tablier pour peupler la scène de tous les protagonistes. La scène avec le jeune roi d’Espagne, à moitié débile, est un somment de drôlerie. Voilà en tous cas une création très réussie, divertissante et édifiante, qui peut réjouir tous les publics.

Hélène Kuttner  

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