“Le Malade imaginaire” revient à la Comédie Française
© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française
En majesté, le comédien Guillaume Gallienne reprend le rôle d’Argan dans la dernière comédie de Molière, que ce dernier interpréta péniblement jusqu’à son dernier souffle. Cette production, mise en scène merveilleusement par le metteur en scène suisse Claude Stratz aujourd’hui disparu, est revivifiée par des comédiens au talent puissant. A ne pas rater.
La nostalgie de l’enfance

© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française
Comment interpréter Argan, cet hypocondriaque notoire qui n’a de cesse d’enquiquiner son entourage avec ses caprices et son égocentrisme monstrueux ? Faut-il le jouer en pleine santé, pétulant et vif mais qui simule en permanence ? Ou moribond, souffreteux et malheureux, pauvre malade de ses propres névroses ? Cette mise en scène ne choisit pas entre l’un et l’autre, elle compose entre ces deux extrêmes pour figurer un héros en manque d’attention, un vieux bébé emmaillotté de langes interminables, tissus poreux et culotte urinaire, tendre et mélancolique, soucieux de lui-même et profondément anxieux de la mort. C’est ainsi que Guillaume Gallienne entre dans ce personnage de vieil enfant aux yeux cernés par les insomnies, impuissant devant la fougue raisonnable de sa servante Dorine, admirablement interprétée par l’ébouriffante Julie Sicard.
Interprétation grandiose

© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française
Gallienne ne joue pas, il est le personnage sans forcer le trait de la caricature, avec une douceur, une tendresse et des impatiences d’enfant gâté frustré par le manque de bonbons. Dès la première scène, où Argan, dans une vieille chaise qui peut basculer en lit, protégé par un baldaquin qui suspend ses vagues de tissu de couleur chaire comme une mer tumultueuse, coiffé d’un bonnet de nuit à pompon, les pieds recouverts de pantoufles blanches, compte les sous qu’il doit à son pharmacien à force de lavements, saignées, médications pour l’intestin, plantes pour dormir et pour uriner, le comédien nous captive par son jeu, pas l’humour et la malice qu’il imprime pour tromper l’honnêteté de son apothicaire qu’il sait profiteur. Seul, alors qu’il s’acharne comme un damné avec sa sonnette, hurlant des « drelin » alors que Toinette ne vient pas, l’acteur compose un personnage à la croisée du Misanthrope, de L’Avare ou du Bourgeois Gentilhomme, proche des damnés de Samuel Beckett.
Un espace qui fait la part belle aux acteurs

© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française
Le décor de pierres vieillies, aux fenêtres murées par les briques, aux perpectives de colonnes mythologiques brouillées par le temps, éclairé d’une belle lumière, dégage un espace royal aux acteurs qui prennent superbement les rênes de l’histoire. Aux côtés d’Argan, impuissant notoire et malade de ses maladies imaginaires s’agite Toinette, son double inversé, à laquelle Julie Sicard imprime sa nerveuse énergie. Elle s’agite, fulmine, le malmène, en maternant Angélique, la jeune première amoureuse, campée par Elissa Alloula, que veut écarter Béline, sa perverse belle-mère qui veut l’envoyer au couvent pour récupérer tout l’argent d’Argan. Coraly Zahonero incarne une rousse manipulatrice, ravissante et machiavélique à souhait. Dans la scène de la présentation des Diafoirus, dont le jeune fils médecin est promis à Angélique, Christian Hecq, qui joue le père Diafoirus ainsi que Monsieur Purgon, et Clément Bresson qui joue le fils sont absolument prodigieux de drôlerie et d’inventivité. On ne présente plus Christian Hecq, clown céleste, qui transfigure tous ses rôles. Mais la composition de Clément Bresson, grimé à la manière d’un personnage de film fantasque, entre Fritz Lang et Tim Burton, remporte tous les éloges et confère à la scène une couleur totalement surréaliste. On rit beaucoup, naturellement, mais le rire devient jaune quand on comprend qu’Argan, principal acteur et spectateur de son projet, en sera aussi la principale victime financière. Malgré les réticences de son frère Béralde, le noceur joué par Alain Lenglet. Yoann Gasiorowski campe un insolent fiancé et faut-maître de musique alors qu’un groupe émérite de chanteurs se fond dans la parodie des spectres médecins sur une partition de Marc-Olivier Dupin. Un pur régal de poésie et de théâtre.
Hélène Kuttner
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