Le Malade imaginaire, le dernier cri de Molière par Michel Didym
On ne se lasse pas de Molière et de sa dernière pièce, qu’il joua quatre fois seulement avant de mourir alors que ses poumons crachaient du sang. Tragédie de la médecine, pour une comédie délirante, provocante en diable, réglée comme du Scarlatti avec contretemps et tempo vif. On s’amuse beaucoup à cette production signée Michel Didym avec une troupe de comédiens formidables de fraîcheur et de gaieté. Quelle tendresse !
Guérir plutôt que vivre
Se soigner, se protéger de la mort et de la maladie coûte que coûte, quitte à quitter le monde, à se faire dorloter par sa seconde femme comme un gros bébé, à dominer sa famille en faisant l’enfant grognon et capricieux et à dicter la loi en tyran hypocondriaque sous des montagnes de gros oreillers. Telle est la devise d’Argan, saturé par un régime quotidien de purges, saignées, lavements et autres remèdes qui font le miel de son pharmacien et de son médecin. Mais il lui faut davantage pour se protéger de la grande faucheuse, lui qui côtoie le milieu médical du 17°siècle comme un coq dans une cour de dindons savants. Il lui faut un médecin dans la famille, et cela sera le mari de sa fille Angélique, même si la jeune fille aime ailleurs et que Cléante, son délicieux amoureux, enrage en silence !
Les comptes de Molière
Molière règle ses comptes, dans cette dernière pièce. Car il les hait, ces pédants bouffis d’orgueil et de mépris, qui enterrent régulièrement leurs patients avec des expériences stériles et se sucrent sur le dos de leurs ouailles crédules. Et il compose un chef d’oeuvre de malice et de philosophie, qui renvoie dos à dos, comme d’habitude, le père et sa fille, la servante et son maître, le frère sensé au frère fou de médecine, moqué comme tous les vieux insensés par tous ceux qui font les frais de leur folie. C’est André Marcon qui incarne Argan, en alternance avec le metteur en scène. Il lui insuffle une vérité, une profondeur, une fragilité épatantes dans la mise en scène épurée de Michel Didym. Grand enfant malhonnête et gauche, Argan, se laisse berner par sa nouvelle femme Béline que Catherine Matisse campe avec une grâce perverse. Un simple fauteuil à oreilles trône au milieu d’une scène à jouer, bordée d’un rideau perlé d’or.
Du burlesque assumé
Aucun effet comique surchargé, aucune lourdeur inutile dans cette production qui sert la superbe langue de Molière, ses joutes oratoires et son ironie décapante. Les comédiens sont ici à leur meilleur, dans la simplicité d’une adresse généreuse au public et éclairés subtilement par Joël Hourbeigt. Norah Krief, en alternance avec Agnès Sourdillon, est une Toinette mutine et solaire, rusée comme un jeune Scapin, et Bruno Ricci excelle dans une composition hallucinante, roulant des yeux comme un Satan, de Thomas Diafoirus puis du Notaire. Jean-Marie Frin, qui joue le père Diafoirus, est parfait, tout comme Jeanne Lepers ou Pauline Huruguen (Angélique) et Barthélémy Meridjen ou François de Brauer (Cléante). Dans le rôle magnifique du raisonnable Béralde, Jean-Claude Durand, en alternance avec Didier Sauvegrain, réconcilie tout le monde. Joyeusement décalés et festifs, les intermèdes chantés sont pour une fois conservés, avec des arrangements musicaux joliment déjantés. Simple, juste, tendre et drôle, voici un très beau Malade de théâtre.
Hélène Kuttner
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