“Le Lien” : Palmade et Hiegel s’écorchent en amoureux
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Au Théâtre Montparnasse, Catherine Hiegel, souveraine, campe une mère faussement tranquille face à un fils, Pierre Palmade, en pleine promotion de son bouquin. Un face-à-face explosif, cruel et tendre, écrit finement par François Bégaudeau et mis en scène par Panchika Velez.
Maternité éternelle
Avez-vous remarqué que, depuis quelques années, le théâtre s’empare des sujets les plus intimes, qui sont ceux de la famille, du couple, des relations parents-enfants ? François Bégaudeau, romancier, célèbre depuis l’adaptation au cinéma de son récit Entre les murs (Palme d’or Cannes 2008), s’est lancé depuis dans le théâtre avec de beaux succès. Au début, mis en scène par Panchika Velez, racontait le désir de maternité d’un groupe de personnes d’âge et de sexe différents. Le Lien, sa nouvelle pièce, plonge le spectateur dans un moment de vie, la fin d’un repas chez une mère retraitée qui monologue trop au goût de son fils venu lui rendre visite. La grande comédienne Catherine Hiegel campe cette mère fonctionnaire à la retraite, dans son appartement tout simple. Chez Florian Zeller, elle était déjà “La mère” face à son fils, éternelle et cabossée par la vie. Aujourd’hui, chez Bégaudeau, elle est souveraine de force et de fragilité, plus vraie que nature, entre le chèvre du Carrefour City et la copine Françoise.
Le retour du fils prodige

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Le fils prodige, l’ingrat qui ne daigne visiter sa mère que lors d’une signature dans une librairie de province, est un écrivain parisien qui a refait sa vie dans le monde. Pierre Palmade prête son grand corps qui tangue au gré des émotions au personnage de Stéphane, enfermé malgré lui dans un mutisme résigné, avant d’exploser dans une scène de dépit affectif. La mère bavarde, converse, effleure les sujets les plus ordinaires, les plus anecdotiques, en prenant son café et en mouillant ses biscuits. Le fils fulmine tel un lion en cage, grondant et pestant, en mal de souffle, en manque d’expression et de communication, cigarette aux lèvres. Le voit-elle seulement, ce fils qu’elle a élevé, nourri au lait maternel et aux livres de la bibliothèque municipale ? Existe-t-il pour elle autant qu’il existe pour ses lecteurs ou pour lui-même ?
Déflagration amoureuse
Car ces deux-là s’étripent parce qu’ils s’aiment, et que cet amour filial est parasité par des années de non-dits, de manques, d’orgueil et de revanches sociales. De confrontation avec le réel, les autres, l’ambition professionnelle, l’égoïsme de chacun. Comment parler à une mère que l’on n’a pas côtoyée longuement depuis des années ? Comment retrouver un fils parti du nid familial depuis si longtemps, pour se construire, pour exister ? C’est tout cela que raconte la pièce, qui, même si elle n’évite pas certains clichés, plonge dans l’essentiel d’une relation maternelle, utérine. Dirigés malicieusement par Panchika Velez, les deux monstres de scène s’en donnent à cœur joie dans la cruauté piquante d’un duel vital : Catherine Hiegel, léonine et sur la défensive, Pierre Palmade, lionceau démuni et agressif, réconcilié avec lui-même par Françoise (Marie-Christine Danède). À la fin, le palmarès est équitable et l’émotion à son comble.
Hélène Kuttner
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