Le gorille de Jodorowsky
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Sur scène le minimum, un pupitre, un chevalet et des affiches à l’effigie de grands savants. Côté salle, le comédien fait son entrée saluant les membres de l’assemblée venue assister à son exposé.
Ici commence l’histoire de ce singe transformé malgré lui en homme. La nostalgie agressive de sa jungle natale refait surface devant ce parterre de compères que l’on suppose illustres. Cet homme seul en scène présente alors parfois des difficultés à refreiner certains comportements primitifs. Son expérience de l’apprentissage de la vie dite civilisée dévoile un malaise et un mal-être. Plus que de la nostalgie, il nous fait comprendre ce qu’il a perdu dans cette évolution : « Aujourd’hui, je ne peux que traduire avec des mots d’hommes et ainsi dénaturer ma vie de singe ».
Comme une perte de soi, l’homme devenu ne peut porter sur lui-même qu’un regard de condamnation. Une sorte de morale qui fait réfléchir l’assemblée et l’incite par la violence des mots et des gestes à penser à sa propre condition au sein de la société : « Mieux j’apprenais à parler, moins j’avais de choses à dire ».
Mimesis parfaite
Mais cette morale prononcée questionne également la société capitaliste. Du cas par cas au général, le singe donne au public une leçon de vie, une leçon de survie : « Pour quelques pièces de monnaies, un homme m’a ciré les chaussures, à moi un singe ! ».
Sur scène, un acteur se révolte, se révèle, s’exprime. Un acteur devenu gorille à part entière. Brontis Jodorowsky qui incarne le rôle donne vie aux écrits de son père Alejandro Jodorowsky. Poussé à l’extrême, il se confond au personnage avec une mimesis parfaite.
Cependant, et bien que certainement voulues, la mise en scène et la scénographie ne sont qu’accessoirisées avec artifices. Musiques, lumières et singeries rendent superficiels le texte et le jeu d’acteur. Bien que ce superflu puisse être considéré comme représentatif de l’homme, il est nuisible à la suprématie textuelle et rend par moments désuet l’espace scénique.
A l’instar des propos de Paul Valéry, pour qui « L’homme est un animal enfermé à l’extérieur de sa cage. Il s’agite hors de soi. », dans Le gorille, le ressenti du singe est très bien formulé, lui qui est passé de l’enfermement physique à l’enfermement psychologique en quelques mois. Le gorille est une pièce essentielle qui rappelle au spectateur les illusions et les sens absurdes de la vie formatée.
Livia Colombani
Le gorille
Auteur : Alejandro Jodorowsky, d’après Franz Kafka
Texte français de Brontis Jodorowsky
Mise en scène : Alejandro Jodorowsky
Avec : Brontis Jodorowsky
Durée : 1h
Prolongations du 1er décembre au 23 janvier 2011
Du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 17h
Relâche le 25 décembre, 1er et 4 janvier 2011
Informations : 01 45 44 57 34
Théâtre du Lucernaire
53, rue Notre Dame des Champs
75006 Paris
Métro Notre-Dame-des-Champs
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