“Le Firmament” : douze femmes en colère au Théâtre du Rond-Point
©Victor Tonnelli
Chloé Dabert met en scène magistralement la pièce de Lucy Kirkwood avec seize interprètes à l’énergie furieuse. Une plongée dans l’Angleterre du 18° siècle et dans l’atmosphère confinée d’un procès qui doit décider de laisser vivante ou morte une jeune domestique accusée du meurtre d’une enfant. Un théâtre de chair et de sang qui file comme la comète Haley.
Une comète et un meurtre

©Victor Tonnelli
Nous sommes en 1759, dans l’est de l’Angleterre. Une jeune domestique, Sally, incarnée par Andréa El Hazan, se retrouve accusée d’avoir tué sauvagement la jeune enfant dont elle s’occupait dans une famille aristocrate. Seul le fait qu’elle soit enceinte, ce qu’elle déclare, peut l’empêcher de subir la pendaison, en étant juste condamnée à la déportation. Pour décider de son sort, un jury de douze femmes, de tous âges et de toutes conditions, sont convoquées pour se réunir à huis-clos avec la présumée meurtrière, dans une salle sans feu de cheminée, ni eau, ni nourriture. Parmi elles, Elizabeth Luke, la sage-femme du village qui connaît toutes les femmes mieux que quiconque, qui est par ailleurs la maîtresse du juge chargé de surveiller la délibération, souhaite défendre la vie de la jeune fille. Par la fenêtre de cette salle sordide, on peut entendre et voir la foule déchaînée qui hurle son désir méchant d’assister à la pendaison.
Des vies de labeur domestique

©Victor Tonnelli
Chloé Dabert se saisit de la pièce à la manière d’une entomologiste avec le souci de nous faire pénétrer dans le quotidien répétitif de ces matrones qui acquièrent soudain un pouvoir de décision qu’elles n’avaient pas. En même temps, l’esthétique somptueuse et les jeux d’ombres d’un Vermeer viennent sertir les visages et les corps de femmes, avec leur coiffe et leurs jupes en drapé de lin gris bleu. Guidées par l’énergique cheffe de bande Elizabeth, que joue formidablement Bénédicte Cerutti, entièrement tendue par sa volonté de sauver Sally, les douze femmes s’épient, se jaugent, puis partagent leurs souffrances et leurs devoirs : les fausses couches à répétition, la difficile récolte des poireaux, les maladies et la perte des enfants, la torture d’être battue par un mari qui rentre ivre d’alcool, brulé par le travail des champs.
Résolution d’une énigme criminelle

©Victor Tonnelli
Toutes tournent autour de la présumée coupable, la jaugent et la jugent, allant jusqu’à presser son sein pour constater les gouttes de lait qui pourraient la sauver de la potence. Océane Mozas, magnifique en Judith dont les vapeurs sont théâtrales. Anne-Lise Heimburger minaude en fausse bourgeoise, Charlotte Cary, pour régenter les commères. Près d’elles, le juge, joué par Sébastien Eveno, ne dit mot mais surveille ces femmes enfermées comme des bêtes sans eau ni nourriture, alors que dehors la foule réclame sa proie. On ne racontera pas le coup de théâtre final, mais l’intrigue déploie son souffle réaliste et romanesque à la fois, avec le poids du mélo qui nous arrache des larmes. Du théâtre puissant comme la comète de Halley.
Hélène Kuttner
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