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« Le Faiseur » : argent, dettes, mensonges et faux-semblants signés Balzac

1 avril 2015
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F5-JeanLouis_Fernandez_065

Le Faiseur

De Balzac

Mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Motta

Avec Serge Maggiani, Valérie Dashwood, Sandra Faure, Jauris Casanova, Philippe Demarle, Sarah Karbasnikoff, Gérald Maillet, Charles-Roger Bour, Walter n’Guyen, Stéphane Krähenbühl, Pascal Vuillemot, Gaëlle Guillou et Céline Carrère

Jusqu’au 11 avril 2015
Du mardi au samedi à 20h30
Le dimanche à 15h

Tarifs : de 18 à 30 €

Réservation en ligne ou au 01 42 74 22 77

Théâtre des Abbesses
31, rue des Abbesses
75018 Paris

M° Abbesses, Blanche ou Pigalle (lignes 2 et 12)

www.theatredelaville-paris.com

Jusqu’au 11 avril 2015

Une comédie hallucinante de vérité écrite par un spécialiste de la dette nommé Honoré de Balzac, mise en scène de façon magistrale par le patron du Théâtre de la Ville entouré d’une troupe de choc avec un Serge Maggiani impérial.

La vie est un emprunt perpétuel

“Plus on doit, plus on a de crédit ; moins on a de créanciers, moins on a de ressources. La vie est un emprunt perpétuel”, écrit Balzac dans Le Faiseur en 1848. Il avait déjà signé une petite bombe atomique de provocation avec L’Art de payer ses dettes et de satisfaire ses créanciers sans débourser un sou une vingtaine d’années avant. Tout un programme pour ce génie de la littérature qui prouve encore une fois, avec cette pièce formidable, que sa vision de la société, hallucinante de clairvoyance, va de pair avec un sens des dialogues et de la formule qui font mouche du début à la fin. Emmanuel Demarcy-Mota s’en est emparé, se débarrassant des décors et costumes Louis-Philippe pour dessiner un thriller fantastique, kafkaïen, d’où surgissent des créatures fardées et maquillées à la manière des films de Fritz Lang, qui basculent et se renversent sur un plateau déstructuré, en déséquilibre constant, funambules sur une corde raide sans cesse prête à se rompre.

 

F5-JeanLouis_Fernandez_057Un monde en déséquilibre

Le héros, un bourgeois nommé Mercadet (irrésistible Serge Maggiani), tient sa maison comme un capitaine dont la boussole serait déréglée. Les huissiers saisissent ses biens, il est ruiné mais rien ne l’arrête et il parlemente encore. Son arme est le mensonge, sa morale est absente, et il pense que “le débiteur est toujours supérieur au créancier”. C’est un Madoff du XIXe siècle, du temps où l’industrie et les ressources minières enrichissent les bourgeois et transforment certains d’entre eux en spéculateurs des bourses financières qui font du yoyo. Son associé, Godeau, l’a quitté, et il imagine, comme le Godot de Beckett, son retour des Indes. Sa femme, incarnée par Valérie Dashwood, sert de vitrine à l’opéra mais s’alcoolise la nuit munie d’une tasse de thé, totalement dépassée par les évènements et incapable de raisonner son époux. Sa fille, très laide (Sandra Faure) peint de la porcelaine pour survivre aux dettes de son père, mais gratte de la guitare folk avec philosophie. Bref, la maisonnée tangue comme un navire à la dérive et les domestiques ne savent plus quoi inventer pour répondre aux créances.

 

F5-JeanLouis_Fernandez_046Une bande-son planante

La célébrissime chanson des Pink Floyd Money est reprise comme un refrain lancinant par tous les comédiens, en écho à ces années seventies qui percutent de plein fouet les nôtres, à coups de bulles spéculatives et de crises financières toujours plus grosses. Philippe Demarle, Sarah Karbasnikoff, Charles-Roger Bour ainsi qu’une brochette de jeunes acteurs complètent une distribution épatante, pétillante de fantaisie et pleinement engagée. Les lumières et la scénographie d’Yves Collet ainsi que la musique de Jefferson Lembeye participent à la réussite de ce spectacle réjouissant, démoniaque et terriblement contemporain !

Hélène Kuttner

[Photos © Jean-Louis Fernandez]

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