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“Le Cercle des poètes disparus” : un spectacle totalement enthousiasmant

Hélène Kuttner 19 février 2024
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© Jean-Marc Dumontet Production

Comment adapter le film de Peter Weir, qui fut unanimement salué par le public et la critique en 1990 ? Comment mettre en scène aujourd’hui un pensionnat de jeunes garçons où règne un ordre militaire, soudain saisi par la fièvre poétique et libertaire d’un nouveau professeur hors-normes, adepte d’Horace ? “Carpe Diem” chantent-ils en chœur, et nous public avec eux, tant la réussite de ce spectacle, interprété par Stéphane Freiss et six jeunes comédiens effervescents mis en scène par Olivier Solivérès, est enthousiasmante. A voir en solo ou en famille, pour tous les âges.

Carpe Diem

© Jean-Marc Dumontet Production

“Je suis le capitaine de mon âme, le maître de mon destin”. Telle est la devise du tout nouveau professeur, Monsieur Keating, qui débarque un beau matin dans la salle de classe où l’attendent des jeunes garçons médusés par une telle leçon de vie. Alors qu’ils entonnent devant le drapeau américain les trois principes qui doivent gouverner leur jeunesse à l’Académie Welton, une des institutions scolaires les plus réputées et les plus fermées, située dans le Vermont « Ordre, discipline et tradition », les collégiens en uniforme voient arriver un prof pas comme les autres. Le comédien Stéphane Freiss s’est glissé subtilement dans la peau de cet original que Robin Williams incarnait avec sa verve théâtrale dans le film. Avec son blazer de velours décontracté et son allure de jeune intellectuel aux cheveux légèrement grisonnants, l’acteur insuffle une fraîcheur, une exigence qui passent par un questionnement permanent sur soi-même. Et il le fait avec une évidente simplicité, avec une fantaisie bienveillante et mutine. Face à une classe d’adolescents en devenir et pétris de crainte face au contrôle permanent des adultes et de leurs désirs, Keating leur offre son sourire lumineux, sa douceur et sa tolérance. Il leur enjoint de croire en eux-mêmes, d’être différents de ce qu’on exige d’eux, de refuser le conformisme qui leur est imposé comme un carcan délétère.

La poésie comme arme de liberté

© Jean-Marc Dumontet Production

Le scénario, inspiré en partie de l’histoire véritable de Tom Schulman, a agi comme un véritable détonateur sur les cerveaux de milliers de jeunes spectateurs. Il est formidable qu’aujourd’hui encore, trente ans après la sortie du film, cette histoire extraordinaire qui oppose deux mondes, celui fermé par l’austérité et de l’interdiction de toute pensée libre, et l’autre ouvert sur l’imaginaire, la fantaisie, la fiction et la vie, fonctionne encore. Il faut dire que les six jeunes comédiens qui interprètent les jeunes collégiens sont remarquables de vitalité et de talent. Mis en scène avec grâce et fluidité, dans une salle de classe dominée par un immense tableau noir faisant face à des rangées de tables et de chaises, les jeunes gens tous vêtus d’uniformes bleu marine sont bouleversants d’émotion, étourdis par l’amour des mots, de la liberté et de l’imaginaire que leur promet le nouveau monde, celui les poètes qui se transmettent les mots de leurs âmes dans la nuit des grottes sombres. 

Une mise en scène enlevée

© Jean-Marc Dumontet Production

Avant que la pièce ne commence, les jeunes comédiens invitent d’ailleurs les spectateurs à danser le rock sur des standards enivrants des années 60. L’ambiance se réchauffe progressivement, les chansons d’Elvis Presley vrombissent, les gens se mettent à danser sur le plateau. C’est cette énergie, partagée avec la salle, que les jeunes interprètes parviennent à créer en connivence constante avec les spectateurs, pour nous raconter cette histoire. Audran Cattin, véritable tête brulée qui joue le courageux Dalton, Hélie Thonnat, vibrant Anderson pétri de timidité, Maxence Seva qui campe le bon élève délateur, Maxime Huriguen en malheureux amoureux et Pierre Delage, la tête de turc permanente, sans oublier le formidable Ethan Oliel, déchirant dans le rôle du sacrifié de Perry, qui paiera sa liberté de sa vie. Sans oublier le père autoritaire, glaçant, et le proviseur joués par Olivier Bouana et Yvan Garouel. Ils sont tous excellents, d’une vérité poignante, oscillant constamment entre humour et drame, fantaisie et émotion, le temps d’une aventure existentielle. Ce qu’ils interprètent, ce qu’ils nous racontent, ce sont les désirs inassouvis par la peur, la frustration de de pas pouvoir être soi-même, la crainte de décevoir ou de ne pas suivre le droit chemin, qui constitue le quotidien de nombreux jeunes gens. Voilà un spectacle qui doit permettre à ceux qui le veulent de donner corps à leurs rêves, avec courage et ténacité, pour rester le capitaine de leur existence. Une très belle leçon de vie.

Hélène Kuttner 

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