“Le Canard à l’orange”, comédie à déguster à La Michodière
Authentique comédie à l’anglaise, Le Canard à l’orange est truffé de répliques qui font mouche. On rit et on succombe, tant au tempo mené tambour battant par les uns qu’à la plastique sculpturale des autres.
Le canevas est un classique du genre, composé du mari, de l’épouse et de l’amant. Autour d’eux se greffent une créature de rêve destinée à bousculer la situation ainsi qu’une domestique qui a suffisamment d’ancienneté dans la maison pour s’autoriser crûment toutes les remontrances. L’intrigue elle-même est jubilatoire, puisque le mari, apprenant qu’il va être quitté par sa femme pour un Londonien fortuné, décide de convier celui-ci à la maison pour une partie de tennis, un déjeuner et une bonne soirée arrosée. Feignant ainsi d’être grand seigneur et de vouloir prendre les torts à sa charge dans la procédure de divorce, le mari met en réalité au point une stratégie. Pour cela, il invite également sa secrétaire – la fameuse créature de rêve –, afin d’être pris en flagrant délit d’adultère. Bref, le mari veut reconquérir sa femme au prix d’une manœuvre qui est le centre de cette comédie.
Les bons mots se succèdent, les dialogues s’échangent par des piques pleines d’humour, le texte de William Douglas Home, dans l’adaptation de Marc-Gilbert Sauvajon, étant savamment moqueur avec esprit. Souvent montée, la pièce a connu en France de multiples succès et cette mise en scène énergique avec une distribution au taquet se hisse au meilleur de ses interprétations. Nicolas Briançon, qui est à la fois le metteur en scène et Hugh Queston, le mari, déploie un dynamisme à plein régime. Les tableaux s’enchaînent sur le fil constant de la drôlerie, articulée autour d’une malice certaine. Le protagoniste central va à l’encontre des “offuscations” conventionnelles et prend la situation avec un sens réaliste qui évite les drames de longue durée.
Nicolas Briançon, dans sa fébrilité de séducteur quinquagénaire, réussit son tour de force et convainc son entourage ainsi que les spectateurs. Autour de lui, la formidable troupe emportée dans le tourbillon pose une tonalité qui mêle le charme irrésistible, le piquant cocasse, la fraîcheur joyeuse et tous les ingrédients qui aboutissent à une comédie joyeuse qui déclenche le rire et promet une bonne soirée. Les déplacements d’Alice Dufour en ce décor fleuri sont mémorables, Anne Charrier imprime une finesse à faire fondre, François Vincentelli se métamorphose en Belge formidablement décalé et Sophie Artur est une bouffée de franchise comique. Les décors, les tenues fantaisistes et colorées, robes et déshabillés scintillants participent à cette soirée efficace et savoureuse.
Émilie Darlier-Bournat
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