Le Bal au Théâtre Rive Gauche : fulgurante comédie “charleston” !
Le Bal D’Irène Némirovsky Adaptation de Virginie Lemoine Mise en scène de Virginie Lemoine et Marie Chevalot Avec Lucie Barret, Brigitte Faure, Serge Noël, Françoise Miquelis, Pascal Vannson Jusqu’au 30 mars 2017 Du mardi au samedi à 19h Relâches exceptionnelles les 24 et 25 février, 18, 24, 25 et 28 mars 2017 Réservation en ligne Théâtre Rive Gauche M° Edgar Quinet |
Virginie Lemoine met en scène le texte d’Irène Némirovsky*, l’auteur du Bal – “Suite française” – qui offre son regard acéré sur l’adolescence et brocarde les nouveaux riches. Dans cette société des années 20, voilà une caricature audacieuse qui marque des points là où ça fait mal. Le Bal est une comédie très enlevée qui se déroule à un rythme étonnant autour de la confession d’une jeune fille du siècle dont on aurait du mal à dire qu’elle compte beaucoup pour ses parents. Ceux-ci, sans scrupules, n’ont d’intérêt que pour leur soi-disant réussite en haut de l’échelle de la “bonne société”. Pour la première fois, pour faire étalage de leur fortune récemment acquise, ils organisent un bal. Leur façon à eux de consacrer leur entrée dans le beau linge. Tout s’y prépare : faste, brillance, habits et souliers clinquants, mignardises et caviar, bristols, musiciens et, surtout, fébrilité. C’est sans compter sur ce bon petit diable d’Éléonore qui ferait mieux de se tenir à carreau… Truculent ! Dans la famille Kampf, commençons par la fille. Lucie Barret joue Antoinette avec beaucoup de malice dans son expression. Elle est la narratrice de sa propre vie. À 14 ans, un âge où toutes les jeunes filles font des rêves de jeunes filles et espèrent un début d’autonomie, celle-ci en est privée. Elle montre bien comme elle peut être bourlinguée entre sa mère, tapageuse, véritable dragon égocentrique et braillard qui la rabroue depuis qu’elle est née, et sa lugubre prof de musique qui la toise et lui impose une autre forme de terreur. On retrouve ici Brigitte Faure en cette mère, excellant dans le registre d’une Madame Pouet-pouet-qui-se-la-joue. Elle a tout compris du jeu que demande Virginie Lemoine, sa metteuse en scène. Il lui fallait montrer que son personnage possède tous les excès propres à ce genre de parents arrivistes. C’est dire comme elle doit en faire ressortir ce qu’il y a en elle de comique en caricaturant volontairement. Il fallait qu’elle fasse comprendre que son personnage n’a pas vu grandir sa fille qui désormais n’est plus une enfant et dans le même temps réussir à incarner un gros monstre de mère qui ne pense qu’à ses fesses. Avec son mari effacé, elle forme un couple ahurissant. Serge Noël est tout à fait juste dans la partition du mari soumis qui, malgré une once de lucidité, redoute d’affronter sa femme Françoise Miquelis, qui nous offre une surprenante apparition. Un frémissement court dans le public lorsque cette Folcoche à souhait surgit sur la scène à l’image de ce à quoi on s’attend (ce à quoi on Satan). Filiforme, dans sa robe noire jusqu’aux pieds, l’air revêche, elle a la mine sombre des plus mauvais jours. Ce clone de Cruela donne avec une grande fermeté des cours de piano à Isabelle et ne laisse surtout rien passer qui puisse sortir de l’éducation très stricte qu’elle impose à son élève. Françoise Miquelis campe avec bonheur et beaucoup de talent ce personnage psychorigide. On en dira autant des uns comme des autres. Ainsi, Pascal Vannson, qui joue le domestique, lequel, dupe de rien, n’en perd pas une. Il nous amuse en surgissant sur ordre, régulièrement, à la façon dont un Nestor de Moulinsart sortirait de sa boîte La mise en scène intelligente privilégie l’unité de lieu (l’intérieur de la maison au décor bien pensé) d’où s’échappent en jardin comme en cour des décors extérieurs suggérés par les seules comédiennes. Sur le fond, Virginie Lemoine s’est visiblement attachée à la personnalité de cette jeune fille qui passe de l’enfance à l’adolescence avec sa révolte, sa sensibilité teintée d’une bonne dose de cruauté… et d’espièglerie. Patrick duCome *Sur le texte d’Irène Némirovsky Roman fulgurant et initiatique sur l’enfance et ses tourments, chef-d’œuvre de drôlerie et de cruauté, publié en 1930, Le Bal est l’un des premiers livres d’Irène Némirovsky. Née le 1er février 1903 à Kiev, elle devait mourir en déportation le 17 août 1942 à Auschwitz comme son mari. Leurs deux filles, Denise et Élisabeth, furent sauvées in extremis grâce à… un officier allemand. Denise avait conservé le manuscrit inachevé de sa mère Suite française. Publié en 2004, il recevra le Prix Renaudot. [Photo 1 © Cyril Niay] |
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