L’Assemblée des Femmes – Théâtre de la Tempête
Nous sommes dans un système en déclin. Au début de la pièce, le contrat a été rompu ; et c’est de leur maison qu’Aristophane fait partir La Marche des femmes. Quelle équivalence avec aujourd’hui ?
Pour ceux qui ne connaissent pas Aristophane et pour prendre un raccourci, disons qu’il était un dramaturge, poète comique grec du Ve siècle av. J.-C., né vers 450–445 et mort vers 385 av. J.-C.
Ses comédies ont fait rire aux éclats la Grèce antique jusqu’aux dieux eux-mêmes qu’il ne se gênait pas de mettre en boite. Il a marqué son temps puisqu’ en Grèce, quelques 500 ans avant notre ère, il permettait aux spectateurs des théâtres de changer de répertoire. A cette époque, les spectacles de théâtre étaient uniquement voués à la religion. Ainsi, à Epidaure, toute l’inspiration des auteurs et des comédiens avec l’accompagnement de chœurs était tournée vers le fait religieux, on mettait alors en scène selon des schémas répétitifs et bien souvent lancinants.
Arrive alors Aristophane qui très rapidement devient la coqueluche des Athéniens. Et pour cause, il fonde son théâtre sur le quotidien et use de métaphores jouant avec la réalité politique de son temps. La bêtise des va-t-en-guerre brocardée par les femmes qui de chaque camp font la grève du sexe pour stopper les belligérants ont permis à sa pièce Lysistrata de faire 100’000 fois le tour du monde et de revenir aussi intacte que cette Assemblée des femmes qui ridiculise les politiciens dans nos théâtres modernes et ici à la Cartoucherie de Vincennes pour revenir à nos moutons.
Le Théâtre de la Tempête en accueillant L’Assemblée des Femmes offre à son public une jolie gesticulation revue à l’air politique du temps. En surfant sur les anachronismes, Mylène Bonnet et May Bouhada respectivement metteuse en scène et adaptatrice ont basé leur travail sur le mouvement et sur le rythme en empruntant à la farce médiévale voire à la BD comme nous le confirme May Bouhada : « Je suis une fervente lectrice de BD. J’adorais Paulette de Pichard dans Charly Hebdo et je l’ai mise dans la pièce. Paulette fait bon ménage avec l’univers d’Aristophane. » (ndlr Georges Pichard est décédé en 2003)
Mylène Bonnet : « On a pensé à la crise actuelle, la Grèce, n’est pas naissante et elle n’est pas terminée. Ce sont des femmes violentes, excessives parfois mais la brutalité de la femme n’est pas vulgaire. Notre Assemblée de femmes, décomplexée et paillarde, nous la souhaitons subversive comme le fut celle d’Aristophane. Elle n’aurait pu l’être si nous nous étions contentées de traduire. Nous avons donc délibérément redonné toute sa vigueur et sa résonance politique à ce texte, raillant à notre tour l’actualité, et titillant quelques idées reçues. Nous choisissons comme le bouffon de parodier pour dénoncer et de questionner pour alerter. Au-delà de l’esprit de contestation, les femmes de notre Assemblée portent le masque comique. Elles cristallisent les revendications politiques, économiques et culturelles du débat public sur l’égalité homme-femme : en elles les idées prennent corps et deviennent accessibles à tous. »
Fallait-il pour autant transposer le climat politique grec que connaissait Aristophane et réactualiser notre Assemblée des Femmes ?
May Bouhada : « C’est bien d’une adaptation dont il faut parler. J’ai ajouté des textes à ma manière. J’ai incrusté la monnaie unique comme d’autres thèmes actuels, je n’ai cependant cité aucun nom. On reconnaîtra les acteurs de la vie politique. Je dois vous dire la vérité. La mienne est que sur les plateaux de théâtre, il faut prendre des libertés avec l’adaptation »
Le texte original ne suffirait donc pas ?
« Aristophane dénonce une utopie puis il abandonne son idée. Il laisse tomber tout le monde qu’il a créé. Moi, je veux aller au bout de l’entreprise. Lui parlait de son époque, de l’homme et de la femme, comment partager le foyer, quelle était l’humanité au quotidien ? Je dois poser les mêmes questions de notre actualité. Je joue avec l’homme, la femme, la nuit, le cauchemar, le rire, l’inquiétude… C’est bien parce que les femmes sont les premières victimes des difficultés sociales qu’elles font les meilleurs clowns, c’est-à dire les meilleures guides sur les chemins délicieux des contradictions humaines.
En tant qu’artiste, conclue May Bouhada je peux dire que nous sommes au 21ème siècle et que, voyez-vous, je travaille avec Aristophane ! »
Patrick DuCome
L’Assemblée des Femmes
D’après Aristophane
Adaptation : May Bouhada
Mise en scène de Mylène Bonnet
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie de Vincennes
Route du Champ de Manœuvres
75012 Paris
M° Château de Vincennes. Sortir en tête de ligne, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
[Photographie : Antonia Bozzi]
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