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L’Apprenti de Sébastien Bournac, l’altérité en scène

13 décembre 2012
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L’Apprenti de Sébastien Bournac, l’altérité en scène

L’adolescent, Julien, passe ses journées à observer le café situé en face de chez lui dans le but de se choisir un père, il ne comprend pas pourquoi les enfants ne pourraient pas choisir. Pourquoi faudrait-il être assigné à un père ? A force d’observations et de renseignements obtenus auprès des serveurs, il fait son choix, traverse la route et va s’asseoir à coté de Pascal. Là commence une histoire d’amour père-fils, ou plutôt, élève-apprenti. Scandée par la musique et les mois inscrits sur un tableau noir, l’année s’écoule par fragments représentant l’évolution des deux personnages et de leur histoire pleine de tendresse.

C’est l’espace théâtral qui cristallise la relation entre Julien et Pascal, dans la mise en scène de Sébastien Bournac. L’opposition entre les différents lieux et leur non-porosité forcent les personnages à l’observation mutuelle. Ils doivent trouver des media pour franchir le vide qui les sépare.

La proposition scénographique d’Arnaud Lucas est en accord avec le propos de Keene. La scène est organisée en un espace bi-frontal dans lequel les deux gradins se font face. Les spectateurs sont dans un rapport d’opposition et d’observation identique à celui qui existe entre les deux personnages de la fable. Sur scène sont mis face à face, l’un à chaque extrémité, deux espaces totalement opposés. D’un côté se situe le lieu représentant à la fois le café et l’appartement de Pascal, quelques tables et un tourne-disque ; de l’autre, un enchevêtrement de poutres formant un espace complètement abstrait : c’est le lieu de Julien, celui de l’imagination. Les deux univers sont confrontés. Ce sont deux altérités qui sont mise sur le plateau et qui vont s’affronter et s’éprouver sur la scène ; dans l’espace vide de la rencontre. Mais cette rencontre aura du mal à se faire de par la non-porosité apparente de ces espaces.

Les deux lieux sont complètement opposés. Le lieu du travail fait face à celui du jeu, le concret est opposé à l’abstrait, l’enfant à l’adulte. Ce sont deux altérités forcées de se rencontrer. Pour y arriver, les deux acteurs s’observent et se jaugent. Mais c’est Julien qui a l’avantage. C’est lui qui, depuis des mois, espionne Pascal de la fenêtre de sa chambre avec son énorme paire de jumelles qui ne le quitte jamais. L’adolescent est un détective, il prend des notes sur ses pères potentiels. Il cherche un remplaçant pour son père trop absent à son goût. Il est dans l’enquête et la recherche indiciaire.

Mais il faut bien, à un moment, trouver les espaces de porosité entre les deux mondes afin que le dialogue ait lieu. Le gamin a de l’avance sur Pascal, qui ne se doute de rien, c’est donc lui qui fait le premier pas. Il attaque le premier en entrant dans l’espace de l’autre. Il traverse la scène et va s’asseoir au café à côté de l’adulte. Il pénètre l’espace matériel de Pascal, mais s’insinue aussi dans son espace mental via le jeu ; il insiste pour jouer aux mots croisés avec lui. C’est par le biais du jeu de mots que commence la relation entre cet adulte et cet enfant. Ils vont, durant toute la pièce, tenter de trouver des terrains d’entente afin de transformer l’espace vide qui les sépare en un espace de jeu. Cette recherche atteindra son objectif lorsqu’à l’église ils regarderont les vitraux, lorsqu’ils écouteront de la musique ensemble, lorsque tous deux joueront au football. C’est à ce moment du jeu que les deux compères vont vraiment se rapprocher et couper court à toute distance. Durant toute la pièce, les personnages sont restés dans leurs espaces respectifs et ne sont jamais réellement entrés dans celui de l’autre. Mais au moment du jeu, les deux amis vont inverser leurs placements : Pascal se retrouve du côté de chez Julien et Julien chez Pascal.

Cette pièce est l’histoire de la construction d’une amitié hors du commun et de la réconciliation entre un père et son fils. Une belle histoire qui plaira aux enfants comme à leurs parents, car le spectacle est vraiment tous publics. Il enchantera les amoureux du théâtre en les emplissant de la force des espaces vides.

Romain Nicolas

Du 27 novembre au 8 décembre 2012 au Théâtre National de Toulouse
Les 8 et 9 janvier 2013 au théâtre Dionysos de Cahors
Du 29 janvier au 1er février 2013 au théâtre sortieOuest de Bézier

[Visuel : L’Apprenti © François Passerini]
 

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