0 Shares 2441 Views

L’anatomie de la sensation pour Francis Bacon – McGregor – Opéra Bastille

6 juillet 2011
2441 Vues
AnatomieProgramme

C’est peu de dire que l’on attendait avec impatience la nouvelle création de Wayne McGregor. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, ce jeune anglais de 31 ans est l’un des plus talentueux chorégraphes actuels. Depuis la fin des années 90, il s’est imposé comme un artiste complet et touche-à-tout. Son obsession : l’étude du corps chez l’être humain, de son comportement le plus primaire jusqu’à ses plus vives pulsions sexuelles, de vie et de mort. En 2007, l’Opéra de Paris lui avait ainsi fait confiance avec la création de Genus, ballet entourant l’univers de Charles Darwin.

Aujourd’hui, c’est au tour du peintre Francis Bacon de servir d’inspiration pour sa nouvelle création L’anatomie de la sensation. Le résultat est à la hauteur des espérances, en grande partie grâce aux sept danseurs étoiles présents sur scène. Couvrir seul de gloire Wayne McGregor ne serait en effet pas de mise s’il n’était accompagné de ces talents malléables comme il s’est si bien s’en servir. Pour comprendre cette collaboration, rien de mieux d’ailleurs que de visionner une de ses répétitions comme on peut voir dans le documentaire Une pensée en mouvement de Catherine Maximoff récemment diffusé sur Arte. Les idées de Wayne McGregor proviennent en effet d’une improvisation constante qu’il laisse à ses danseurs gesticulant aux sons jazzy de sa voix. Il n’y a donc rien d’étonnant à le voir choisir pour sa nouvelle création l’œuvre de Mark-Anthony Turnage, Blood on the floor, elle-même inspirée du tableau éponyme de Francis Bacon. Créée en 1996, cette composition varie entre jazz, rock et classique par ses sons provenant d’une guitare électrique, d’une batterie, d’un saxophone et d’une clarinette basse. Quelque peu dépassée, cette musique n’en reste pas moins moderne et sonne comme une mauvaise journée d’automne sous la pluie à l’atmosphère humide remplacée ici par la sueur des danseurs dévêtus.

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=BdTrmVOetAY[/embedyt]

L’anatomie des êtres

Capture_decran_2011-07-06_a_12.18.18L’anatomie est une science qui s’oppose à celle de la cognition selon le principe que l’une s’occupe d’étudier le rapport entre les organes tandis que l’autre s’attarde sur la pensée. « L’anatomie de la sensation » serait donc un paradoxe parfait étudiant notre force de raisonnement et de mémoire sur les émotions, les gestes, voir même la morphologie. Sachant cela, la perception que l’on porte à la création de Wayne McGregor est d’autant plus passionnante qu’elle s’affirme dès le surpuissant premier mouvement (Blood on the Floor) en compagnie de Jérémie Bélingard et Matthias Heymann.

Comme Gus Van Sant dans son film Gerry, deux hommes ne faisant qu’un (ou deux amants) se battent, s’agressent, se déchirent pour au final se retrouver seuls, tout comme le personnage torturé de Marie-Agnès Gillot dans le second mouvement (Junior Addict). A première vue cette création dans son ensemble n’offre pas de contenu narratif propre. Cependant, on remarquera à travers le décor de l’architecte John Pawson qu’il pourrait bien s’agir d’un livre d’anatomie que nous parcourons. A chaque mouvement pourrait être associées un chapitre et une couleur, comme une succession de tableaux de Bacon où les corps y sont souvent montrés déformés et écorchés et ce pour mieux suggérer l’animosité de l’être humain. Wayne McGregor et ses danseurs s’en inspirent avec brio dans ce qui apparaît à la fois comme une anatomie de l’individu, du couple et du groupe, chère au chorégraphe. Les autres mouvements, parfois (trop) semblables, suggèrent plusieurs conflits intérieurs dont le septième mouvement (Cut Up) est le plus violent malgré sa source de jeunesse façon comédie musicale. Après ce ballet, on imagine bien Wayne McGregor s’inspirer un jour de Leonardo DaVinci et de son dessin L’homme de Vitruve. On le souhaite en tout cas vivement.

Edouard Brane (Twitter)

L’Anatomie de la Sensation pour Francis Bacon

Mark Anthony Turnage – Musique Blood On The Floor
Wayne McGregor – Chorégraphie

John Pawson – Décors // Moritz Junge – Costumes // Lucy Carter – Lumières 

Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet

Ensemble Intercontemporain – Peter Rundel, direction musicale 
Solistes : Peter Erskine – Batterie // Martin Robertson – Saxophone // John Parricelli – Guitare électrique // Michel Benita – Guitare basse

Opéra Bastille
Place de la Bastille
M° Bastille

www.operadeparis.fr

Articles liés

« Les Parallèles » : comédie romantique douce amère sur la difficulté à se rencontrer
Spectacle
53 vues

« Les Parallèles » : comédie romantique douce amère sur la difficulté à se rencontrer

À l’heure du speed dating et de la multiplication des sites de rencontres, Alexandre Oppecini imagine une rencontre entre deux êtres que tout oppose, sur le pas d’une porte qui devait s’ouvrir sur une fête de crémaillère avec des...

Découvrez les artistes diplômés du Centre National des Arts du Cirque à La Vilette
Agenda
71 vues

Découvrez les artistes diplômés du Centre National des Arts du Cirque à La Vilette

Rendez-vous incontournable avec la relève du cirque, ce spectacle sous chapiteau à La Villette est l’occasion de découvrir les artistes tout juste diplômés du CNAC – Centre National des Arts du Cirque. Pour les jeunes talents qui arpentent la...

MINIATURE : l’expo événement pour les 10 ans de la Galerie Artistik Rezo
Agenda
212 vues

MINIATURE : l’expo événement pour les 10 ans de la Galerie Artistik Rezo

La galerie Artistik Rezo et FIGURE s’associent pour présenter la troisième édition de l’exposition MINIATURE : un événement unique en son genre à l’occasion des 10 ans de la galerie. Cette édition réunit plus de 80 artistes français et...