L’Amant – Théâtre Marigny
« Ton amant vient, ce soir ? » Ainsi Pinter nous plonge-t-il dans l’univers de ce couple dont on ne sait pas bien quels jeux dangereux ils pratiquent. Intérieur où la chaleur du bois fait contraste avec le gris froid des murs, où se révèlent, tour à tour, derrière la même porte, un jardin, un réfrigérateur plein de bouteilles de lait, des plantes vertes, un djembé… Le décor imaginé par Jean-Michel Adam dit l’ambiguïté de ce couple, l’oscillation entre désir et distance.
L’Amant tient à la fois de la comédie et de la tragédie, et Didier Long, dans sa mise en scène, a su trouver le juste milieu entre les deux tonalités. Léa Drucker et Pierre Cassignard maîtrisent le rythme de la pièce, sous-tendu par une construction au cordeau dans le déploiement de la relation entre les personnages. Les répliques fusent et déclenchent les rires de la salle, avant que la pièce ne bascule dans le jeu de rôle masochiste, schizophrénique, et que le malaise ne s’installe. Superbe rupture de ton qui laisse le spectateur sans voix.
Amant animal
Toujours dans la subtilité de l’interprétation, Didier Long ne choisit pas : Sarah a-t-elle un amant sur lequel elle projette le visage de son mari ? La prostituée que voit Richard est-elle une projection de sa femme, telle qu’il l’imagine dans les bras de son amant ? Qui est l’amant ? Un mélange de Richard et du laitier qui vient frapper à la porte, troublant Sarah ? Ou bien les deux époux se prêtent-ils à un jeu pervers où ils alternent leur vie de couple bien rangée avec de sauvages sessions, l’après-midi, où Richard joue le rôle de l’amant animal et Sarah celui de la femme fatale ?
Cette latitude donnée au spectateur dans le choix de la version qu’il choisira est la plus belle réussite de la pièce. Didier Long parvient à ne pas prendre parti, à laisser ouvert le champ des possibles, creusant ainsi la psychologie des personnages sans pour autant les figer dans un rôle qu’il leur aurait choisi. Pierre Cassignard et Léa Drucker illuminent ce parti pris de leur interprétation duale, alternant l’ennui du couple bourgeois et la rage destructrice des amants.
Une très belle production où le désir amoureux, la passion destructrice et les jeux de masques et de faux-fuyants sont portés par deux comédiens complices et inspirés. On y savourera le génie de Pinter, parfaitement servi par une mise en scène intelligente et un précieux respect de l’esprit de la pièce.
Audrey Chaix
enjoy the theatre
L’Amant
Une pièce d’Harold Pinter
Mise en scène de Didier Long
Avec Léa Drucker et Pierre Cassignard
Du 10 septembre 2010 au 2 janvier 2011
Du mardi au vendredi à 21h
Le samedi à 16h et 21h
Jusqu’au 14 novembre
30 € la 1ere cat au lieu de 48 €
Réservations : 0 892 222 333 (0.34€ /mn) ou sur le site du théâtre
Tarifs : 45€ / 35€ / 25€ (Frais de location inclus)
Théâtre Marigny – Salle Popesco
Carré Marigny
75008 Paris
M° Champs Elysées-Clemenceau
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...