L’Absence de guerre au Théâtre de l’Aquarium, un fantastique thriller politique multimédia très sportif !
Cette pièce de David Hare nous montre la montée en puissance de membres importants d’un parti politique progressiste anglais (Grandeur et misère du Labour) au cours d’une bataille électorale que le spectateur vivra en direct. Ceux-ci et plus particulièrement, leur candidat Georges Jones, vivent la terrible confrontation qu’ils ont chaque jour avec leurs adversaires du parti conservateur. Lui, Georges Jones, est un jeune loup travailliste, partagé entre sa culture de jeune homme qui a encore un pied dans la culture hip-hop et l’autre dans la meute politicarde. Dans ce milieu, il faut avoir une réactivité à toutes épreuves. Avaler des couleuvres est un métier, il l’a appris, cependant, il a du mal à être corps et âme le candidat idéal pour son parti qui l’observe jusque dans les moindres détails. Qu’il fasse un faux pas et c’est toute la cordée qui plonge !
On tremble en comprenant que les embuscades se préparent tant chez ses adversaires voire des médias pernicieux que chez ses bons camarades.
En politique, c’est David Hare qui nous le fait comprendre, les plus belles idées sont toutefois portées par des hommes et par des femmes qui ont leurs exigences, leurs belles certitudes mais également leurs fragilités jusqu’à fabriquer leurs propres écueils. Il en sait quelque chose lui dont les pièces dénoncent la corruption du pouvoir et de l’argent ou les dérives du système social anglais.
C’est ce que l’auteur a voulu nous dire lorsqu’il écrivit L’Absence de guerre. En 1993, il créait le lieu d’un affrontement pour la conquête du pouvoir dans un récit-fiction historique. S’étant largement inspiré de faits réels, il avait suivi la campagne électorale du parti travailliste au début des années 90. David Hare y imposait son affection pour Shakespeare, donc, Georges Jones adorera shakespeare. Et c’est de la sorte que le Deung Doen Group, troupe pour un travail collectif, a pris soin de sous titrer la pièce « Thriller politique à dimension shakespearienne » !
Le théâtre des formes immersives multimédia
La mise scène d’Aurélie Van Den Daele (artiste associée au Théâtre de l’Aquarium) devait réactualiser la situation. Avec Deung Doen Group, elle reprend avec une belle pertinence cette histoire de campagne électorale version 2019.
Le système utilisé est ce mélange de théâtre et de vidéo qui commence à être de plus en plus et heureusement de mieux en mieux utilisé en théâtre et technologies. Le théâtre multi média est souvent subversif (pour citer Julien Gosselin Les Mots- Mao I et II – Les Noms de Don DeLillo ) parfois, il est revisité ( troupe catalane “Insectotropis” avec son mélange psychédélique de théâtre, de peinture, danse, musique et vidéo qui se raconte, sur une scène à 360 degrés en forme de cube géant sur un fait d’actualité marquant) ou encore, une pionnière, Mélina Bomal (RUBY THEATRE ) qui interroge le rapport avec le public à travers différentes formes que sont théâtre frontal, musique, chanson, concerts, films et photographie…
Alors, dans ce théâtre des formes immersives, on revit grâce au texte, à la scénographie, au jeu des comédiens, à la mise en scène, à la vidéo, à la musique et à la lumière qui invitent à une expérience esthétique fulgurante.
L’utilisation des prises de vues pour des longs plan-séquences en direct caméra au poing du cadreur est-ce simplement de la performance ?
La limite est ténue entre théâtre et démonstration ou performance mais le Deung Doen Group est parfaitement à l’aise dans son dispositif qui invite les spectateurs à regarder tout à la fois un écran géant et la scène.
Cette façon de bousculer le jeu de l’acteur apporte une intensité palpable à l’intrigue. Il renvoie le spectateur aux tonnes d’heures ingurgitées devant les journaux télévisés. En conséquence, la mécanique fonctionne puisque le champ virtuel représenté par l’image et par le reportage-video laisse ensuite la place à la seule réalité, la vie, qui se déroule au fil d’un spectacle vivant sur le plateau.
En cela, nous restons dans l’univers du théâtre.
Or, dans le monde sans pitié de la politique, la comédie n’y fait-elle pas bon ménage ?
Patrick duCome
L’Absence de guerre en tournée – les dates :
Le 21 mars 2019 – LA FAÏENCERIE – CRÉIL
Les 2 et 3 avril 2019 – THÉÂTRE LES ÎLETS – CDN DE MONTLUÇON
Le 5 avril 2019 – FONTENAY EN SCÈNES
Du 9 au 12 avril 2019 – THÉÂTRE DE LA CROIX ROUSSE – LYON
(ainsi qu’en 2020)
Sidney Ali Mehelleb – Interview par Patrick duCome
Artistik Rezo : Le sport c’est du spectacle ?
Sidney Ali Mehelleb : Je jouais au basket ball, c’est mon sport. Or, je suis sorti du sport pour devenir comédien. Et je peux dire que quelque part, le sport c’est du spectacle. Parce que c’est un match entre personnes qui s’affrontent. Il donne matière au spectacle. A ceci près que l’entraîneur organise la préparation et s’occupe du mental des joueurs, phase clé du match. Il parle durant la compétition alors que le metteur en scène ne peut échanger qu’auparavant avec les comédiens. Pour moi, ce qui doit être primordial est la place donnée à la créativité dans l’interprétation.
Les propres amis de Georges Jones doutent que leur candidat soit à la hauteur de la tâche ?
Oui Il l’est pourtant. Il y a un enjeu dans la pièce. Il doit faire uniquement avec ce dont il hérite. Pour le reste, il se doit d’être lui-même. Donc, il est à la hauteur !
Image et Théâtre, pourquoi ce mélange ?
Il fallait trouver la dimension théâtrale de l’image
C’est à dire qu’il faut que ce soit du théâtre, donc, je l’affirme, la vidéo additionnée au théâtre, cela donne du théâtre
La troupe Deung Doen Group donne un cours de sciences politiques ?
Non, ni un cours d’histoire mais le Deung Doen Group s’engage résolument sur la voie de l’histoire immédiate. Et ce qui est mis en avant c’est la réactivité avec l’engagement
Comment avez-vous appréhendé votre rôle ?
Je ne savais pas que j ‘allais interpréter le rôle de Georges Jones.
Aurélie (Van Den Daele) nous fait travailler la pièce dans sa globalité. Je prends donc le texte de David Hare comme un tout et on commence à créer le spectacle. La distribution ne vient qu’après comme chez Ariane (Mnouchkine)
Il s’agit plus pour nous de faire résonner, en approche collective, la pièce aujourd’hui dans la société médiatique de 2019 plutôt que de la figer en 1992 au moment où elle est censée se dérouler.
Ensuite vous apprenez que vous serez Georges Jones.
C’est un grand et beau défi de tenir le rôle de Georges jones. Car le travail d’Aurélie, metteuse en scène, est de faire en sorte que chaque spectacle soit un défi pour chacun des interprètes.
A chaque nouveau spectacle créé par le DDG, les comédiens changent d’emploi. J’aime cette façon de travailler dans ce challenge pour des parcours différents.
Que fait le Deung Doen Group?
Le Deung Doen Group décortique l’histoire. Nous nous immergeons dans une époque avec la volonté d’éclairer notre présent
Quel était l’enjeu ?
Trouver l’humanité présente dans ces personnages.
Vous êtes constitués en une troupe permanente à l’instar de la Comédie française ?
Non, plutôt comme une équipe, comme au sport, pas une troupe mais une équipe.
Sidney Ali Mehelleb – Portrait
Sidney Ali Mehelleb est né à Marseille en 1979 ; Il travaille régulièrement avec le Deug Doen Group et joue dans Angels in America de Tony Kushner. Il a joué également sous la direction de Matthieu Dandreau pour le projet DIONYSOS et sous la direction de Pascal Neyron pour un cabaret au Bal Blomet.
Il met en scène sa première pièce ‘Babacar ou l’antilope’ en janvier 2017 au Théâtre 13 Seine Paris puis en tournée. En résidence au Centre National des Écritures du Spectacle – La Chartreuse Villeneuve Lez Avignon, il écrivit ‘Split’. Auteur en résidence à La Nacelle-Aubergenville alors sous la direction de Eudes Labrusse, Sidney Ali Mehelleb y rédigea ‘Le saut de l’ange’ mis en scène par Aurélie Van Den Daele. Pour le Théâtre, il a écrit également Icham ; Quatre par trois ; Swingring et Maestria d’après Le Maître et Marguerite de M. Boulgakov. Pour le cinéma, il écrit De vrais p’tits moineaux (court métrage) et Portraits (long métrage). Il a mis en scène Dis, camion ! de Claire Barrabes, Big shoot de Koffi Kwahulé, Les pirates rescapés, Le Ventre et La Pendule.
Chaque année, Sidney Ali Mehelleb mène des ateliers de transmission autour de l’écriture théâtrale, des ateliers de création et de jeu avec des enfants ou des adultes amateurs dont l’objectif est de se mettre au cœur du processus de création, les inspirations qui conduisent au jeu, à l’écriture et à la créativité.
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