“La Solitude du coureur de fond” : une performance hors des sentiers battus
La Solitude du coureur de fond D’Alain Sillitoe Jusqu’au 25 avril 2015 Tarifs : de 11 à 26 € Réservation au Durée : 1h15 |
Jusqu’au 25 avril 2015
Colin Smith, lancé dans une épreuve physique contre l’ordre établi, pousse un cri qui vient de ses entrailles. Une course de fond pour un travail de fond au carrefour entre disciplines sportive, théâtrale, musicale ou vidéo. Une expérience artistique, sensorielle et psychologique inédite. Animé par la fougue, l’ardeur d’un pur sang taillé pour la course, Colin Smith se débat dans une course contre l’ordre établi. Chacune de ses foulées, comme une nouvelle idée, prend le pas sur la précédente. Alors qu’il replonge dans son parcours, son esprit prend corps dans un cheminement solitaire et introspectif. À l’instar de Rousseau qui révèle dans ses Confessions : “Je ne puis méditer qu’en marchant, sitôt que je m’arrête, je ne pense plus, et ma tête ne va qu’avec mes pieds”, esprit et corps vont de pair dans ce marathon.Le coureur, léger, se sent pousser des ailes. Une sensation de liberté qui tranche cruellement avec la réalité. Colin Smith est incarcéré dans une “maison de correction”. La rédemption par l’effort physique, remettre le coupable sur le droit chemin, telle est la visée affichée de cette course. Le mot “honnêteté” qu’on assène au héros à tout va semble servir ici une volonté de domination et de castration. Bien évidemment, le solitaire ne l’entend pas de la même oreille. Accepterait-il de gagner une course, telle une bête de foire dont la victoire rejaillirait sur ses “propriétaires” ? Comment s’emparer de la scène et devenir l’acteur de sa propre histoire ? Colin Smith n’a que faire du culte de la médaille. Au bout de son cheminement, il arrachera une victoire bien à lui, et avec panache… Ce spectacle à la croisée entre théâtre, musique, sport et vidéo sonde les liens ténus entre art dramatique, corps et rythme. Les différentes disciplines s’interpénètrent avec sens. Le dialogue entre le comédien et l’air de jazz d’Art Pepper, porté par le saxophoniste Esaïe Cid, résonne comme un écho intérieur, souligne la solitude du héros et explore le rythme avec finesse. La mélodie, tantôt fusionnelle, accompagne et appuie les émotions du sportif, tantôt en contrepoint esquisse des notes ironiques. À cette riche mise en scène s’ajoute la performance d’un acteur sincère et vrai. Un bémol cependant : la partition du comédien est étouffée par moments par le souffle du saxophone ou son propre halètement. Car le mieux est l’ennemi du bien, les moments de pause musicale ou sportive sont bienvenus. Un coup de chapeau à Patrick Mons qui jongle aisément entre texte et performance sportive. Nous ressortons de ce spectacle éprouvés, chamboulés par une expérience artistique, sensorielle et une épreuve psychologique inédites. Jeanne Rolland [Visuels : Colin Smith © toptheshooter ; Colin Smith et Esaïe Cid © toptheshooter] |
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