La Société des loisirs – Théâtre de Paris
La Société des loisirs Mise en scène de Stéphane Hillel Avec Stéphane Guillon, Cristiana Reali, Philippe Caroit et Lison Pennec A partir du 17 septembre 2013 Durée du spectacle : 1h30 Tarifs : de 30 € à 40 € Pour plus d’informations, cliquez ici Théâtre de Paris |
A partir du 17 septembre 2013
Démarrant dans le plus grand conformisme, cette comédie de mœurs use d’un ton cynique à souhait pour décrire une société rongée par la vacuité. Du regard très second degré porté sur elle par le Québécois François Archambault découle un rire grinçant et, sous la comédie, pointe le drame. Marc et Marie forment un couple heu-reux. Ils le disent et le répètent à l’envi lors d’une interview (peut-être en tant que couple modèle pour un magazine féminin ?) qui rappelle étrangement un très ancien sketch de Stéphane Guillon. Une belle maison, un enfant, un travail lucratif, une future adoption… et même une piscine et un piano à queue. Mais quelques mots distillés ici et là vont nous permettre de tirer un tout autre portrait de ce couple : pleurs incessants de l’enfant, adoption d’une chinoise, « race » propice aux musiciens prodiges (d’où le piano dont ils ne savent pas jouer)… jusqu’à découvrir qu’ils sont en incapacité totale de profiter de la vie. Car derrière les « j’ai tout ce que je veux » se cachent de multiples frustrations, notamment sur leurs rapports sexuels, trop peu fréquents et toujours programmés. Sans compter qu’en parents responsables, ils ont cessé de fumer comme de boire et envisagent de rompre avec leur « pathétique » ami Antoine qui, depuis son divorce, mène une vie par trop dépravée. D’ailleurs, ils l’ont invité ce soir pour le lui annoncer… L’attente de leur hôte va, presque inconsciemment, ouvrir leur boîte de Pandore. Pourquoi, en effet, ne pas profiter de cette soirée pour faire une « dernière fois » tout ce qu’ils se sont interdits de faire à l’avenir, en tirant alcool et cigarettes du piano inutile… et même assouvir un fantasme : un plan à trois ? Ils en sont là dans leurs réflexions- et négociations- quand arrive une de nombreuses, et très jeunes, maîtresses d’Antoine, bientôt suivie de son amant quinquagénaire… L’entrée de « l’ami » donne immédiatement du ressort à ce début peu politiquement correct certes mais cependant très policé. Car Antoine, c’est le loup dans la bergerie, le diable au pays des Bisounours. Mais là encore, sous une apparence radieusement désinvolte, se dissimule un homme blessé, désemparé par son récent divorce. Quant à Anne, elle a la légèreté et le franc-parler de son âge. C’est la seule à être en harmonie avec elle-même… ou presque. Sur ce que va générer cette soirée, je n’en dirai pas plus, sinon que certaines vérités émergeront, engendrant une totale implosion. Sur le plateau, Cristiana Réali (Marie) est comme, moi, je ne l’avais jamais vue, parfaitement à l’aise (sauf quand elle porte des Louboutin !…mais c’est anecdotique). Mi-ange mi-démon, douce et revêche, trouble et troublante, elle est indéniablement dotée d’une forte puissance comique. Philippe Caroit (qui signe aussi l’adaptation) est parfait dans le rôle de Marc, ce type stylé, hyper consensuel mais versatile et dont le courage n’est pas la qualité première. Stéphane Guillon confirme les qualités que nous lui connaissions. Rompu à l’exercice de la scène via ses one man shows, il prouve qu’il est aussi un excellent partenaire. L’ambiance générale de la pièce et les caractéristiques d’Antoine lui correspondant pleinement, il nous livre une enthousiasmante partition, aussi désenchantée qu’impudente. Lison Pennec (Anne) est quant à elle une belle révélation que nous reverrons assurément très bientôt sur les planches. Stéphane Hillel a donc monté une excellente distribution, comme il a idéalement dirigé ses comédiens dans une ambiance surréaliste qui sied merveilleusement à la pièce. Pourtant, un peu plus de fluidité dans la mise en scène permettrait à la force des tensions sous-jacentes de ne pas retomber entre les scènes. Mais peut-être n’est-ce là qu’un simple « manque d’huile » ? En résumé, cette satire du bonheur pimentée d’humour cinglant fera le bonheur des spectateurs… sauf à privilégier l’ordre et la morale ! Caroline Fabre |
[Crédit photo : Céline Nieszawer]
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