La Ronde – Théâtre de Poche Montparnasse
Un narrateur (l’atypique Alexandre Martin) qui déambule entre chaque saynète, onze personnages qui glissent d’une scène comme d’une liaison amoureuse à une autre… Si chez Arthur Schnitzler, les dialogues amoureux et les jeux d’esprit se mettent au service des plaisirs de la chair, les liens qui se tissent sont aussi fougueux qu’éphémères. De la fille au comte en passant par le soldat, la femme de chambre, le couple marié ou la grisette, une valse des corps s’engage, qui entraîne dans sa course folle toutes les classes de la société viennoise de l’époque. Une société inconsciente de ce qui l’attend à la veille de la Première Guerre mondiale et qui s’abandonne à la frénésie des sentiments sur des airs amusants, chantés en Allemand.
Corps de l’espace
Au plus près d’un texte traduit puis modulé par ses soins, Marion Bierry jongle avec les mots et leurs sous-entendus. Ludique, sa mise en scène rivalise d’énergie et d’inventivité. Ainsi les glissements de panneaux qui, en ayant l’air de déplacer les comédiens d’un lieu à un autre, déploient habilement un espace scénique quelque peu exigu. Tout aussi judicieuse, la trouvaille du décorateur Nicolas Sire qui, lors de la scène du lit entre les époux – les remarquables Eric Verdin et Sandrine Molaro, place ses personnages debout face au public comme s’ils étaient allongés, un oreiller collé au mur derrière leur tête.
Espace des corps
Investissant avec grâce cet univers fantasque, sept comédiens se partagent l’affiche et les rôles, tous drôles et libertins à souhait. Mention spéciale à Eric Verdin dont la troublante composition de comédienne travestie voile avec finesse une atmosphère jusqu’ici plutôt légère. Des charmantes comédiennes sensuelles et impudiques aux facétieux acteurs cyniques et volubiles, tous simulent leur désir d’aimer mais non leur plaisir de jouer, dans cette ronde de corps mis à nu, parfaitement menée.
Tour réussi pour La Ronde de Marion Bierry qui allie mise en scène surprenante et interprètes talentueux sans jamais trahir un texte brillant, dont le mordant avait séduit Freud lui-même. Moins scandaleux aujourd’hui mais toujours aussi renversants, ses chassés-croisés charnels se suivent avec un plaisir… grisant !
Laetitia Ratane
* Arthur Schnitzler : « De tout l’hiver, je n’ai écrit qu’une suite de scènes parfaitement impubliable et sans grande portée littéraire, mais qui, si on l’exhume dans quelques centaines d’années, jettera sans doute un jour singulier sur certains aspects de notre civilisation. »
La Ronde
De Arthur Schnitzler
Traduction, adaptation et mise en scène : Marion Bierry
Assistant à la mise en scène : Denis Lemaitre
Décor : Nicolas Sire
Costumes : Viriginie Houdinière
Lumières : André Diot
Maquillage : Noï Karuna
Avec
par ordre d’entrée en scène:
Alexandre MARTIN Le narrateur
Eric VERDIN Le soldat, l’époux, la comédienne
Aline SALAJAN La fille
Marie REACHE La femme de chambre et la grisette
Vincent HEDEN Le jeune monsieur et le comte
Sandrine MOLARO La femme mariée
Serge NOEL Le poète
Jusqu’au 28 mars 2010
Représentations du mardi au samedi à 21 h – matinées : samedi à 18 h – dimanche à 15 h
relâche : dimanche soir et lundi
Places : 36, 28 et 22 euros
Réduction : Opération jeunes (mar., mer., jeu.) : 10 euros
Location : 01 45 48 92 97
Théâtre de Poche Montparnasse
75 bd du Montparnasse
75006 Paris
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