0 Shares 2095 Views

La Révolte, le saisissant cri d’une femme

©Pascal Victor/ArtComPress

Au Poche-Montparnasse, Charles Tordjman met en scène ce texte superbe de Villiers de L’Isle-Adam, un auteur du XIXe siècle qui n’a pas pris une ride. Un corps à corps violent entre mari et femme, vertigineux et cruel, interprété par Julie-Marie Parmentier et Olivier Cruveiller.

Un couple sans histoire

En 1870, à Paris, une jeune femme, Élisabeth, décide de tout quitter pour se libérer de l’emprise du mariage et des affaires de famille auxquelles la contraint un mari banquier, Félix. Travailleuse de l’ombre, dédiée à la précision des comptes de gestion immobilière, félicitée pour son travail de fourmi qui ne s’échappe jamais dans le monde, Élisabeth s’abîme dans un bureau de comptabilité en assurant l’éducation de sa petite fille. Félix, plus âgé, s’assoit confortablement sur sa tranquillité domestique et se satisfait, quoiqu’un peu surpris, d’une épouse soumise qui travaille à l’enrichissement du couple bourgeois.

La déchirure

© Pascal Victor / ArtComPress

Mais voilà que la jeune femme révèle la souffrance de sa condition à son époux, l’étroitesse de son travail quotidien, l’absence de ses distractions et le manque total de compassion et de considération de son époux à son égard. La pièce en un acte d’Auguste Villiers de L’Isle-Adam est d’une précision diabolique et d’une modernité terrible. Avec des mots, des phrases ciselées avec un scalpel, sans ornement mais dans une langue à l’élégance folle, l’auteur de L’Ève future et des Contes cruels dissèque le couple dans ses contraintes sociales et politiques, en montrant les faux-semblants d’une convention qui, comme chez Strindberg, vole en éclats dès la seconde moitié du XIXe siècle.

Une interprétation magnétique

Dans une scénographie glacée de Charles Tordjman, un cadre noir qui isole la jeune femme de son mari, resté sur une chaise à l’extérieur du cadre, devant un mur gris, les deux comédiens sont comme chien et chat qui s’épient. Julie-Marie Parmentier, visage de porcelaine et regard perçant, le corps enserré dans sa robe de satin noir, est tout en retenue et en colère secrète. Elle semble avoir mûri cette histoire depuis des mois, peut-être des années, accumulant rancœurs et ressentiments. Bloc d’acier, elle foudroie Olivier Cruveiller (Félix) qui, lui, adopte un jeu presque détaché. Ce contraste peut paraître étrange, mais c’est pour mieux souligner l’incompréhension entre ces deux êtres qui se combattent pour leur vie.

Hélène Kuttner

Articles liés

« Le Rendez-vous » de Camille Cottin et Jonathan Capdevielle aux Bouffes du Nord
Spectacle
69 vues

« Le Rendez-vous » de Camille Cottin et Jonathan Capdevielle aux Bouffes du Nord

Dans une scénographie au drapé de soie violette et frémissante, une jeune femme aux allures de conquérante, moulée dans une combinaison en latex rouge, dialogue avec son gynécologue. En se glissant dans la peau d’une allemande embarrassée par l’héritage...

L’exposition “Flora Verba” invite le public à redécouvrir le langage des fleurs à la Galerie Artistik Rezo
Agenda
198 vues

L’exposition “Flora Verba” invite le public à redécouvrir le langage des fleurs à la Galerie Artistik Rezo

L’exposition “Flora Verba” invite le public à redécouvrir le langage des fleurs, une dialectique ancienne et souvent oubliée, qui allie nature, poésie et symbolisme. Autour d’artistes peintres, photographes et céramistes et à travers un parcours sensoriel et immersif, cette...

L’orchestre Pasdeloup présente “Drame” à la Philharmonie de Paris
Agenda
109 vues

L’orchestre Pasdeloup présente “Drame” à la Philharmonie de Paris

Concert digne des feux de la rampe théâtrale ! Placé sous la direction du chef vénézuélien Christian Vásquez, l’Orchestre Pasdeloup vous plonge au cœur de la nuit, la scène du drame. Après son interprétation brillante dans le Double Concerto de Brahms avec l’Orchestre...