La Reine des Gitans et des chats – Cirque Romanès
Qui de la poule ou de l’œuf ? Plus Alexandre Romanès se fait porte-parole d’un peuple malmené en France pour cause d’un style de vie gênant (à savoir libres, non scolarisés ou peu, nomades surtout), plus il est ensencé par la critique. Entre art et débat politique chatouilleux, l’analyse devient ambivalente à l’heure du nouveau spectacle Romanès présenté Porte de Champerret : La Reine des Gitans et des chats.
Il fait bon sous la toile rouge du chapiteau, la jauge est archi pleine. Le chemin menant à la piste pose déjà une ambiance : on se fraye un chemin à travers les caravanes, le linge étendu sur un fil, on croise des enfants libres d’aller et de venir, des femmes en jupes longues colorées, pour certaines un foulard sur la tête. Le public sait, il a pris un billet comme le passeport pour un tour de roulotte au pays des Gitans. Il ne faut pas être déçu du voyage alors les tapis au sol, les grands rideaux arc-en-ciel comme seuls décors, un plateau de bougies comme jeu de lumière suffisent à se laisser glisser dans un monde parallèle. Ici la mode est au vestiaire et puis c’est étrange mais toutes les femmes portent la jupe. La société de consommation, le loyer, la facture EDF ou les soldes, tout valse dans un bal où l’aurore est lointaine et le jour dérisoire… On est dimanche, c’est sympa : la musique tsigane à toute bringue servie par d’excellents interprètes, des numéros de facture très classique : jonglage, corde, ruban, contorsion ; un équilibriste, une femme emprisonnée dans les circonvolutions de son cerceau, une pro du hula hoop acrobatique, des beignets, une chèvre en guise de lion… C’est d’un folklore grisant, d’une autre galaxie : le dépaysement est total.
Le plaisir est au rendez-vous malgré une impression générale d’à peu près. La présentation de la troupe offre une entrée en matière balbutiante presque amateure. Les plus jeunes acrobates saluent à peine ou machinalement après leur numéro et si la performance n’est pas l’intérêt de leur prestation, manque alors une touche de grâce dans la gestuelle. C’est un peu le deal et loin du cirque d’Hiver : point de dentelles ni de complications esthétiques. « Simple » est le mot d’ordre, voire pagaille, on risquerait : absence de mise en scène. Alexandre Romanès s’en amuse à tort ou à raison : « Ce qui nous gêne, c’est qu’on n’est pas des foudres du travail. Je dis toujours qu’il nous manque une goutte de sang allemand à chacun ». Sans doute opposé à l’autorité patronale tel un frein à la créativité, il se définit comme « le chef d’entreprise le plus bidon » et n’intervient pas dans la composition des numéros laissant les enfants inventer, improviser.
Voyageant depuis plus de 15 ans dans le paysage culturel français, Alexandre Romanès donne une représentation de cirque comme il ouvrirait la porte de sa caravane à des étrangers. La musique emporte et émeut et l’on se sent privilégié de partager ces 90 min d’intimité avec la famille au grand complet. Reste que le patriarche donne moins à voir une œuvre artistique que la démonstration du choix d’une vraie vie de bohème et de liberté, comme un spectacle de rue offert à des passants qui n’exigeront jamais la performance ou la perfection d’un numéro et partiront toujours souriant de cet instant de rêve, public fasciné par un mode de vie qui lui échappe.
Gaëlle Le Scouarnec
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La Reine des Gitans et des chats
Du 7 janvier au 4 mars 2012
Vendredi et dimanche à 16h
Samedi et mardi à 20h30
Plein tarif : 20 euros // Moins de 25 euros : 15 euros
Enfant de 3 à 12 ans : 10 euros
Réservations en ligne
Chapiteau du Cirque Romanès Paris
42/44, boulevard de Reims
75017 Paris
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