La Récompense, une comédie caustique et réjouissante
La récompense De Gérald Sibleyras Mise en scène de Bernard Murat Avec Daniel Russo, Lionel Abelanski, Anne Jacquemin, Alysson Paradis et Alice Dessuant Du mardi au samedi à 21h, matinées samedi à 18h, dimanche à 15h30 Tarifs : de 15 à 66 euros, tarif étudiant 28 euros, moins de 26 ans 10 euros Réservation en ligne ou par tél. au 01 47 42 59 92 Durée : 1h30 Théâtre Edouard VII |
Des hommes-enfants, des femmes belles et audacieuses, des couples qui battent de l’aile, les personnages de cette comédie de Gérald Sibleyras sont les prototypes bien vivants d’un certain milieu où la plus prestigieuse récompense, celle qui couronne une carrière d’historien, est vécue comme une malédiction. Enfants trop gâtés ? L’auteur dépeint ses compatriotes avec un humour caustique dans cette épatante comédie que met en scène Bernard Murat. Le prochain sur la liste Les historiens ont sans doute peur de l’avenir. Prenez Martin (Daniel Russo), historien consacré, spécialiste du Moyen-Age, qui vient de recevoir le plus prestigieux des prix couronnant son domaine. Il est terrifié à l’idée que tous ceux qui l’ont reçu avant lui sont morts. C’est donc une malédiction que de recevoir ce Prix et Martin ne semble pas s’en remettre, au grand étonnement de son petit frère Lucas (Lionel Abelanski), pédiatre installé dans une commune verdoyante et dont l’originalité consiste chaque année, à la même date, à organiser un anniversaire surprise à son épouse Véronique (Anne Jacquemin), qui feint chaque année de s’en étonner. Des chaussettes en bambou C’est à cette occasion que Martin, l’historien, qui se sait condamné à mort, présente à son frère Lucas sa nouvelle compagne Fabienne (Alysson Paradis), une ravissante brunette de vingt ans de moins que lui qui penche délibérément vers le 100% Bio. Chaussettes en bambou, bouchons d’amour et ampoules low energy, l’alliance surprenante entre un historien casanier et mur, et une jeune écolo, pimpante et fraîche, prête à convertir toute une ville, en surprend plus d’un. C’est Véronique, d’ailleurs, qui va faire exploser la première grenade en confiant à Martin qu’elle veut quitter Lucas. L’audace lui donne des ailes et un vent de désir, de renouveau envahit cette épouse au corps de sirène qui se met à fantasmer pendant que son mari compte fleurette à … Véronique ! La métaphysique de Ravaillac Cette fresque bourgeoise, qui se moque effrontément de nos lubies sociétales, comme le bonheur du couple, l’accomplissement sexuel des femmes, la reconversion au tout biologique, la folie des pendules pour répondre aux questions que l’on se pose ou la hantise de la maladie et de la mort, permet à l’auteur de faire exploser nos clichés. Les comédiens, tous très bons, jouent à fond mais avec beaucoup de sincérité, ce deuxième degré de la comédie avec un comique de situation réglé par le metteur en scène Bernard Murat. Dans son cabinet tout rouge (décor Nicolas Sire) déplié en forme de livre de contes, Lionel Abelanski minaude comme un chat en blouse blanche piqué de pins enfantins, face à Alysson Paradis roucoulante comme une adolescente en fleur. Daniel Russo garde son amertume chevillée au coeur et son amour dissimulé pour Anne Jacquemin, rêveuse en Emma Bovary. Dans un ultime discours destiné aux historiens, Martin se figurera en Ravaillac l’assassin de Henri IV, écartelé par 4 chevaux en furie après avoir échappé au plomb bouillant sur tout le corps. Pour nous, pauvres humains du 21° siècle, une vie ne suffirait pas, il nous faut l’éternité du désir et de l’Histoire ! Hélène Kuttner [Crédits Photos : © Emmanuel Murat ] |
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