La Rambert et Sidi Larbi Cherkaoui lauréats du Prix Fedora
Chaque année, un projet de création reçoit un soutien généreux, précieux et prestigieux, décerné par le jury de Fedora, le Cercle Européen des Philantropistes de l’Opéra et du Ballet. Le verdict vient de tomber : L’heureux gagnant 2019 est la compagnie britannique Rambert, pour sa création dirigée par Sidi Larbi Cherkaoui.
La compagnie britannique Rambert, dirigée par Benoit Swan-Pouffer, a remporté le prestigieux Prix Fedora pour le ballet, avec Invisible Cities, un projet de création dont la première a eu lieu le 2 juillet 2019 à Manchester. La Rambert, récemment présentée par le Théâtre de la Ville avec sa pièce Goat, est une compagnie qui fonctionne avec des chorégraphe invité. Pour Invisible Cities, il s’agit, excusez du peu, de Sidi Larbi Cherkaoui, l’actuel directeur du Ballet Royal de Flandres, à son tour présenté à Chaillot – Théâtre National de la Danse.
Invisible Cities parle de la rencontre entre Kubilai Khan et Marco Polo, incarnés par deux acteurs. Cette création mélange danse, théâtre, musique, architecture et arts numériques. Au Manchester festival, la pièce sera présentée dans un ancien dépôt ferroviaire, un lieu industriel magique, connu sous le nom de Mayfield.
En espérant voir cette création arriver un jour en France, ce sont aujourd’hui les Prix Fedora qui nous intéressent. Edilia Gänz est la directrice de Fedora, « une association à vocation européenne pour le rayonnement, l’innovation et le soutien à la création dans les domaines de l’opéra et de la danse », que ce soit pour la création de spectacles ou de projets éducatifs. Chaque année, Fedora décerne des prix qui sont dotés de 100 000 € pour la danse (financé par Van Cleef & Arpels) et de 150 000 € pour l’opéra, offert par Generali.
Nous avons rencontré Edilia Gänz à l’Opéra de Paris où est installé le QG de Fedora.
Artistik Rezo : Quel est le sens des prix Fedora ?
Edilia Gänz : Nous voulons encourager les maisons d’opéra de donner des possibilités à des artistes de créer de nouvelles productions innovantes. Une présélection est faite par les experts du réseau Opera Europa. Ensuite intervient notre jury d’experts de la danse, de l’opéra et de l’éducation. Et le public vote et peut soutenir les projets. Les compagnies, même grandes et très institutionnelles, affichent quelle somme peut leur permettre de financer quelle partie additionnelle d’un projet pour le faire avancer. C’est important dans un contexte où tout le monde est confronté à des baisses des budgets, même des artistes très connus. Le montant obtenu par Fedora peut inciter d’autres donateurs à soutenir un projet. On peut ainsi fédérer une communauté derrière un projet. Et nous avons constaté que les projets qui ont reçu ce soutien ont pu aller plus loin dans la recherche ou dans l’équipement, et trouver d’autres soutiens.
Quelle est l’histoire de Fedora ?
Edilia Gänz : Fedora est issu de la vision de Rolf Liebermann, le grand metteur en scène et compositeur suisse et Européen convaincu qui a entre autres dirigé l’ Opéra National de Paris. Il a eu, dans les années 1990, l’idée de fédérer à l’échelle européenne les soutiens pour encourager la création. En 2014, le nouveau président de Fedora, Jérôme-François Zieseniss a relancé cette initiative, en collaboration avec plusieurs maisons d’opéra, Opera Europa et l’Arop, l’Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris.
Vous mettez l’accent sur l’idée d’innovation. Que représente ce terme pour Fedora ?
Edilia Gänz : Il peut s’agir d’une nouvelle forme de composer ou de chorégraphier ou bien une nouvelle interprétation d’une œuvre existante ou bien l’arrivée d’un artiste en danse ou opéra qui vient d’une autre discipline artistique. Mais bien sûr aussi des artistes émergents et innovants. Cela peut aussi concerner la façon de concevoir un projet. Il faut pousser des frontières, où que ce soit. Nous avons fait de notre site internet, pour lequel nous recevons le soutien du programme Europe Créative de l’UE, une vitrine de la création européenne et nous invitons le public à découvrir ces projets et de voter. Et leur vote compte! Il peut aider un projet à passer en shortlist. Et le public est appelé à faire des dons, en contrepartie de certains avantages. Cette année, 23.000 personnes ont voté. C’est une belle visibilité, même pour les compagnies qui sont éliminées. Pour les compagnies, il s’agit aussi d’apprendre à amener les grands donateurs à accompagner leurs projets.
Comment travaille le jury ?
Edilia Gänz : Le jury regarde la qualité artistique du projet, la part d’innovation, la qualité de la production, l’ambition du projet, le rayonnement international à travers les coproducteurs ou structures d’accueil en tournée et sa dimension européenne. Il faut par exemple que les artistes impliqués représentent plusieurs nationalités. Notre jury prend vraiment le temps, en amont, d’interroger les compagnies et ensuite de débattre longuement de chaque projet, avec beaucoup d’attention.
Le prix Fedora est-il appelé à évoluer ?
Edilia Gänz : Tout à fait. Nous allons lancer un quatrième prix, pour les arts numériques pour soutenir par exemple des mises en scène immersives. Nous sommes en train de définir les critères et nous allons attribuer ce prix pour la première fois en 2020. Ce prix peut concerner l’opéra ou la danse. La danse a par ailleurs aujourd’hui de l’avance sur l’opéra dans le domaine du numérique. Nous allons aussi lancer une application dont le sens sera de rendre accessible la défiscalisation des dons à l’échelle européenne. Nous serons la première association à but non lucratif en Europe à lancer un telle application et nous allons la partager avec toutes les associations à but non lucratif européennes. Cela aussi est notre manière de soutenir l’idée européenne. Nous voulons aussi étendre notre réseau de maisons d’opéra qui compte aujourd’hui 85 membres dans 21 pays.
Thomas Hahn
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