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“La Mort de Danton” : autopsie sanglante de la Révolution Française

Hélène Kuttner 19 janvier 2023
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©-Christophe-Raynaud-de-Lage-coll.-Comédie-Française

Simon Delétang, metteur en scène et scénographe, présente la pièce maîtresse de Büchner à la Comédie Française dans une scénographie et une interprétation enfiévrée. Romantisme et fatalité s’y opposent, comme Robespierre et Danton, la vertu et le vice, avec la violence de la mort qui viendra tout broyer. Une création pas tout à fait convaincante, qui pèche par un bouillonnement scénique excessif et un texte parfois difficile à entendre.

La terreur est une émanation de la vertu

C’est par ces mots que Robespierre, formidablement campé dans le spectacle par Clément Hervieu-Léger, justifie son action révolutionnaire et sa fougue à combattre par la mort tous les traîtres à la Révolution lors de la Terreur de 1793. Georg Büchner a 22 ans quand il écrit dans l’urgence et en cinq semaines sa première pièce, en 1835. Il est menacé par la police allemande pour ses idées révolutionnaires et, déçu des révolutions de 1830, il souhaite analyser le coeur des hommes qui ont participé à l’élaboration de la Révolution Française : l’audace, la fougue, le bouillonnement de leurs idées, jusque dans leurs batailles philosophiques et émotionnelles. Jusqu’où faut-il aller pour rendre la justice ? Combien de têtes faut-il faire tomber pour satisfaire l’appétit du peuple, sa soif de revanche ? Au delà des clichés sur les idées des Lumières, les débats que va mettre en scène le jeune Büchner, entre Danton, Robespierre, Saint-Just et Camille Desmoulins, mettent en balance le prix d’une vie, la fatalité de la mort, la dette due à une population affamée qui réclame le sang des rois. En bref, ces hommes vont révéler comment ils comptent s’y prendre pour parfaire l’équilibre de la terreur.

Le despotisme de la liberté

©-Christophe-Raynaud-de-Lage-coll.-Comédie-Française

La pièce est donc passionnante par tous les débats qu’elle soulève et qui restent très actuels, mais aussi très bavarde. Büchner s’est basé sur des documents d’archives de la Révolution et notamment les actes du procès qui a permis au Comité de Salut Public d’envoyer Georges Danton, trop jouisseur, trop modéré, à la guillotine, avec son ami Camille Desmoulins. Loïc Corbery interprète Danton, à la manière d’un Hamlet fiévreux et revenu de tout, attendant la mort, la redoutant et la craignant tantôt comme un enfer, tantôt comme une fatalité salvatrice. A l’opposé du Danton de l’époque, visage ingrat et physique épais, le metteur en scène à souhaité confier le rôle-titre à un acteur nerveux, physique d’adolescent mûri trop vite au principe du réel. Pourquoi pas, sauf que le comédien, qu’on a souvent du mal à entendre, s’emporte de manière outrancière jusqu’à faire perdre toute crédibilité à ce personnage trop humain, malheureux et désespéré. Au contraire, Clément Hervieux-Léger, d’une sobriété tranchante comme une lame, habillé comme un petit marquis de soie sauvage et claire, fait entendre la radicalité nerveuse de Robespierre de manière éclatante.

Débauche et luxe du 18°siècle

©-Christophe-Raynaud-de-Lage-coll.-Comédie-Française

Le décor unique, vaste salle en forme de rotonde qui figure un salon, une assemblée révolutionnaire, une place publique, la maison de Danton, dominée par un tableau de La Méduse du Caravage, permet de faire défiler les personnages et de leur donner une valeur symbolique. De puissantes références au XVIII° siècle, comme l’ouverture forte du Don Giovanni de Mozart au tout début, ou les costumes d’époque signés Marie Frédérique Fillion, permettent de replacer les personnages au coeur du moment historique. Guillaume Gallienne, impérial, incarne un Saint-Just incorruptible, Christian Gonon (Barrère), Nicolas Lormeau (Lacroix), Jean Chevalier (Collot d’Herbois), Nicolas Chupin (Billaud Varennes) sont les héros ou victimes de la machine infernale du pouvoir et dont les malheureuses femmes, Julie Danton (Julie Sicard), Lucile Desmoulins (Anna Cervinka) et la grisette Marion (Marina Hands) seront les éternelles sacrifiées. La dernière scène, allégorique du sacrifice divin, avec une guillotine en or massif, est poignante. Dommage que pour cette troupe admirable et ce texte difficile, la mise en scène ait été trop inégalement maîtrisée. 

Hélène Kuttner 

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