La Mer, nouvelle vague à la Edward Bond
La Mer D’Edward Bond Mise en scène d’Alain Françon Avec Cécile Brune, Éric Génovèse, Coraly Zahonero, Céline Samie, Laurent Stocker, Elsa Lepoivre, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Pierre Louis-Calixte, Stéphane Varupenne, Adeline d’Hermy, Jérémy Lopez, Jennifer Decker, Pénélope Avril, Vanessa Bile-Audouard, Hugues Duchêne et Laurent Robert Jusqu’au 15 juin 2016 Matinée à 14h et soirée à 20h30 Tarifs : de 5 à 41 € Durée : 2h05 Comédie-Française M° Palais Royal – Musée du Louvre (ligne 7) |
Jusqu’au 15 juin 2016
Avec La Mer, pièce écrite en 1972, le Britannique Edward Bond entre au répertoire de la Comédie-Française dans une mise en scène de son plus fidèle compagnon de théâtre, Alain Françon. Beau fracas pour cet immense auteur de 81 ans. Selon la connaissance que l’on a préalablement de Bond, cette comédie métaphorique surprendra par sa sagesse ou ses grincements. Elle est certes nettement moins radicale que la trilogie des Pièces de guerre et nullement scandaleuse comme le fut Sauvés. La Mer étend cependant une houle discrètement explosive sur une microsociété située dans la petite ville de Suffolk. Nous sommes à la fin de l’ère victorienne et quelques années avant la Première Guerre mondiale. La petite communauté de la bourgade est secouée par un naufrage où périt le jeune Collin qui devait être le futur gendre de Louise Rafi, une insupportable et autoritaire aristocrate sur le déclin, interprétée avec force par Cécile Brune. Ce drame aurait pu suffire à semer la désolation dans ce monde clos et morne, reposant sur des valeurs sociales rigides tracées durement par le capitalisme industriel. Mais un second élément, plus étrangement comique, s’ajoute à la tempête. Il s’agit du marchand de tissus dénommé Hatch et interprété par Hervé Pierre, formidablement complexe, tour à tour veule, affligeant, pitoyable et émouvant tant il est égaré. Durant la nuit tragique, il s’est montré lâche et a refusé de porter secours aux naufragés, mais sans aucun regret il persiste à se justifier, convaincu que des extraterrestres menacent le monde. La paranoïa du personnage central se heurte aux bourgeois et à l’ensemble de la population, mais dans cette tempête humaine où se mêlent des vagues de comique et des vagues terriblement rétrogrades, le jeune Willy (Jérémy Lopez) et Rose (Adeline d’Hermy) finissent par autoriser une lueur d’espoir. Il aura fallu auparavant que se déroule une enquête farfelue, semée de rencontres avec des personnages inquiets ou caustiques, qui fendent chacun à sa manière la carapace de cet univers menacé. Alain Françon donne à La Mer sa maîtrise au plus près de la dramaturgie d’Edward Bond, jouant à la fois d’un classicisme et d’une élégance qui laissent percer les soubresauts et les violences d’une époque. Les dix-sept comédiens y sont impeccables et pour l’auteur dont la place dans le théâtre contemporain est à juste titre majeure, il est réjouissant d’entrer en cette Salle. Son humour, même s’il ne rejoint pas ici la radicalité dont il a fait preuve dans ses pièces suivantes, y est d’une poésie que la scénographie magnifique de Jacques Gabel honore. Les vidéos et les tableaux de la mer sous l’horizon aux lumières changeantes y sont d’une vaste beauté où s’interroge l’écroulement d’une société face aux éléments indomptables. Émilie Darlier [Photos © Christophe Raynaud de Lage] |
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