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La Ménagerie de verre, entre rêve et réalité

© Elisabetta Carecchio

C’est un spectacle envoûtant, remarquablement interprété, que nous propose Daniel Jeanneteau au Théâtre de Gennevilliers. Respectant à la lettre le prologue écrit par Tennessee Williams, il nous embarque dans un voyage délicat qui traverse la mémoire des sentiments dans un décor ouaté aux lumières brumeuses. Pour mieux cerner les personnages.

Un rêve de théâtre traversé par des fantômes

C’est un huis clos où des personnages névrosés, prisonniers de leurs rêves et de leurs fantasmes, s’abîment au contact les uns des autres. Nous sommes en Amérique, à Saint Louis, dans le Missouri. Tom, incarné avec vigueur et sobriété par Olivier Werner, est celui qui raconte cette histoire. À l’époque, il est employé dans une usine de chaussures et compose des poèmes, va voir des films pour s’évader. C’est le double de l’auteur. Lui aussi a grandi avec une sœur timide, introvertie, qui ne se plaisait qu’en compagnie de ses minuscules objets de verre. Dans le petit appartement où vit Tom, sa sœur Laura (Solène Arbel) semble absente au réel, fuyant la matérialité du quotidien et se réfugiant avec ses animaux de verre, petites figurines animalières en verre transparent placés à l’avant-scène sous un jet de lumière blanche : son refuge et son paradis. Leur mère Amanda demeure perchée dans les rêves inaccomplis de sa jeunesse, élevant ses deux enfants sans leur père, se démenant et exigeant autant d’eux-mêmes que d’elle-même avec une flagrante injustice et une dureté particulière vis-à-vis de sa fille.

Un songe où flamboie Dominique Reymond

Métaphore de la ménagerie de verre, la scénographie reproduit l’espace clos et utérin d’un microcosme humain avec des personnages, pieds nus, qui glissent ou dansent sur de la ouate blanche alors que deux voiles de tulle blanc les enveloppent, laissant le spectateur voyeur dans une vraie fausse perception du réel. L’intime des affects, la vérité des personnages nous parviennent pourtant avec une acuité et une vérité particulièrement saisissantes. Dominique Reymond incarne une mère allumée et pathétique, rugissant et ondoyant sur le plateau cotonneux avec une élasticité corporelle et vocale éblouissante. Ironique et cinglante, voix grave et suave à souhait, la comédienne fait montre d’une fantastique palette de sentiments qui rend le personnage insupportable et attachant, terriblement juste. Dans le rôle de Jim, le “galant” présenté à Laura par l’intermédiaire de son frère Jim, Pierric Plathier est remarquable de présence, bagou d’Américain adepte de la volonté positive par la confiance en soi et du “do it yourself”, brillant séducteur qui redonne confiance à la maisonnée… avant d’avouer piteusement qu’il est déjà fiancé ! Un très beau spectacle.

Hélène Kuttner

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