“La Fille mal gardée” : quand l’amour fait sa révolution
À l’Opéra Garnier, un merveilleux ballet en deux actes raconte l’histoire amoureuse d’une jeune fille enfermée par sa mère et d’un jeune et beau garçon qui l’émancipe. Dansé à la perfection le soir de la première par Léonore Baulac et Guillaume Diop, le spectacle de Frederick Ashton ravit tous les publics en raison de sa brillante théâtralité et de la fantaisie virevoltante des personnages et de la danse. Un vrai régal pour les petits et les grands qui le savourent avec le même enthousiasme.
Une amour contrarié
Sur l’immense rideau de scène, une véritable allégorie de la nature et des végétaux nous éblouit dès l’ouverture, comme un préambule au tableau qui ouvrira le bal. Dans une cour de ferme aux couleurs bleutées, où les mottes de foin sont dessinées finement à la manière d’un livre illustré pour enfants, où les carrioles glissent sur l’herbe et les nuages légers se moquent de cette fantaisie campagnarde, une galerie de personnages et d’animaux déboule en dansant et en se dandinant. Les coqs et les poules, costumes incroyables d’inventivité, aux couleurs pétantes, donnent la couleur au spectacle. A l’image d’une comédie musicale, chaque personnage, chaque animal fait montre d’une virtuosité chorégraphique et d’un humour assumé qui s’inscrivent parfaitement dans l’histoire racontée. La jeune fille corsetée dans une robe d’un blanc virginal, les cheveux sagement attachés en chignon, s’apprête à balayer la cour en faisant dans le même temps des œillades coquines à son amoureux, en équilibre sur une échelle posée de guingois sur une façade de mur extérieur. Lise et Colas se sont vus et se plaisent, mais leur amour ne peut s’épanouir à l’ombre de la terrible Mère Simone qui fait régner la terreur sur sa fille qu’elle enferme.
Danseurs enfiévrés
Deux Etoiles, le soir de la première, Léonore Baulac, fraîche et gracile Lise au sourire enjôleur et à la légèreté mutine d’une adolescente, Guillaume Diop céleste et athlétique Colas, qui enchaîne les sauts et les pirouettes avec la grâce d’un félin, du haut de sa taille mannequin, composaient le duo amoureux. Sur un canevas dramaturgie de Jean Dauberval, qui brosse avec un humour dévastateur des personnages issus de la commedia dell’arte, Lise et sa mère barraient le beurre en rythme et donnent à manger aux poules. Simon Valastro, qui campe la mère Simone, est d’ailleurs extraordinaire de ridicule et d’excès, travestissant à loisir les manies clownesques d’une vieille femme nourrie aux deux mamelles du crucifix et du vin de messe, allant jusqu’à échanger ses vieilles tatanes contre des sabots-claquettes en bois pour marteler le sol de manière géniale. On pleure et on rie avec les deux jeunes gens qui doivent déjouer tous les pièges que la vieille femme leur tend. Mais leur agilité et leur magnétisme triomphent de l’emprise d’une vieille folle.
Scènes d’ensemble dans un espace floral
Partant du fait que « Le geste vient du cœur » et initiant un ballet d’action dont la trame est avant tout expressive et naturelle, stylisée le plus simplement du monde, la chorégraphie de Jean Dauberval, revisitée par l’élégance et l’humour de Frederick Ashton, finit par fédérer aujourd’hui tous les aspects du spectacle vivant avec le mime et la pantomime. Les scènes d’ensemble sont de toute beauté, Antoine Kirscher, corps nerveux et pantomime gymnique, campe un Alain benêt et ridicule à souhait, qui nous semble presque pitoyable tellement sa composition est cruelle et délirante. Son père, incarné par Jean-Baptiste Chavignier, est pitoyablement triste. Et les villageois, les amis de Lise et de Colas, le Notaire et les quatre poulets sont d’une inénarrable fantaisie, d’une drôlerie renversante. Le chef anglais Philipp Ellis assure une direction d’orchestre précise et enjouée, d’une légèreté bon enfant. Ce spectacle, court et sans prétentieux, sinon d’être porteur d’une excellente qualité artistique, est un bonheur total.
Hélène Kuttner
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