La danse en fête : Carolyn Carlson et le festival June Events
June Events Du 4 au 20 juin 2014 Théâtres de la Cartoucherie Parc Floral Jardin de Reuilly |
Au mois de juin, la danse gagne toute la Cartoucherie, le Parc Floral et autres jardins. Ici, festival rime avec fête, dans un des lieux les plus poétiques de Paris. La soirée d’ouverture offre l’une des rares occasions de voir la mythique Carolyn Carlson herself sur le plateau. À 70 ans, elle fascine plus que jamais.
June Events, œuvre commune de Carlson et Anne Sauvage, est un événement chorégraphique haut en couleur, et c’est vrai même pour Dialogue with Rothko de et avec (!) Carolyn Carlson, une évocation de l’artiste peintre, pourtant réputé ténébreux. Ce solo, créé en mars 2013, tout juste avant le 70e anniversaire de Carlson, prend appui sur son livre éponyme. Pas d’illustration, mais un condensé d’émotions se glissant dans un corps dansant. « Je ne veux en rien imiter Rothko, mais aller à l’essentiel à travers le dépouillement. » Sans vouloir lui arracher tous ses secrets. « Il est difficile de mettre les mots sur ce qu’on voit. Rothko est une expérience mystique. » La poésie de Carlson, lue en voix off par Juha Marsalo et la chorégraphe elle-même, sa calligraphie et sa gestuelle, très habitée, entrent en symbiose, sous le regard musical du compositeur Jean-Paul Dessy, directeur de l’Ensemble Musiques Nouvelles de Mons (Belgique), désignée capitale européenne de la culture en 2015. Entre détermination et solitude, l’énergie de Rothko prend forme (humaine). Le gant orange de Carlson en témoigne, autant que de nombreux tableaux du peintre aux couleurs vives, voire chaudes, subtilement évoquées par Dessy au violoncelle qui envoie moult clins d’œil à ses propres compositions électroniques. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=IO1FISerzFM[/embedyt] Fidèle à son inspiration fondamentale, Carlson met l’accent sur la recherche de Rothko d’une spiritualité du XXe siècle, en dialogue avec la mythologie et la tragédie grecques. « Rothko disait que toute la base de son travail est dans la mythologie et que la vie est faite de tragédie et de souffrance plus que de joie. J’ai toujours été frappée par sa simplicité, sa profondeur émotionnelle et l’intensité de ses couleurs. Depuis ses premiers tableaux, encore plutôt figuratifs, ses visions contiennent la tragédie. Nous avons besoin de trouver le tragique dans une œuvre d’art pour accéder à la lumière. » Entre Carlson et Rothko, c’est une histoire plus ancienne qu’on ne le soupçonne : « Il a toujours été une source d’inspiration pour moi. Déjà avant d’écrire mon livre, j’ai écrit des poèmes sur Rothko. Dans Man in a room, un solo de vingt minutes que j’ai créé en 2000 à Venise pour Tero Saarinen, j’évoque la folie de Rothko. À la fin, Tero se met à peindre. Et dans Mundus imaginalis, pièce modulaire conçue pour les musées, je danse un solo en tant que Rothko. » Autre volet de la journée d’ouverture, la jeune Libanaise Danya Hammoud, qui a impressionné l’année dernière avec son solo Mahalli. Elle présente Mes mains sont plus âgées que moi, un trio qui interroge la nature humaine dans ses impulsions destructrices et meurtrières. Aussi, cette soirée illustre à elle toute seule comment June Events 2014 poursuit deux axes. D’une part, la relation entre le mouvement et la musique avec des chorégraphes confirmés comme Maud Le Pladec, Benoît Lachambre, Kubilai Khan Investigations, Rosalind Crisp ou Tomeo Vergès, interprète de la première heure chez Maguy Marin. On y voit le plus souvent les danseurs partager le plateau avec les musiciens. D’autre part, la relève qui se penche sur des questions de société, comme Khouloud Yassine, également interprète dans le trio de Danya Hammoud, Orin Camus/Chloé Hernandez, la Grecque Lenio Kaklea ou la Slovène Daša Grgič. Thomas Hahn [Photos : Carolyn Carlson © Yoshi Omori – Democracy de Maud Le Pladec : Konstantin Lipatov] |
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