La Chapelle-en-Brie au Théâtre du Rond-Point
La Chapelle-en-Brie a vallu à son auteur Alain Gautré de recevoir le Prix Théâtre 2009 de la Fondation Diane & Lucien Barrière ce 17 septembre dernier. Ce prix, qui récompense un seul nom pour l’écriture et la mise en scène, rend ici grâce à une satire sociale dont le style acerbe est devenu rare. Les gens portraiturés sont faibles et contradictoires, hantés par le respect d’opinions propres contre lesquels ils vont, et ce en s’égarant à travers de douteuses compromissions.
L’intrigue commence banale. Il pleut depuis quarante jours sur la Brie et André vit seul dans la ferme familiale dont il a difficilement hérité. Le soir de la Toussaint, alors que celui-ci s’enivre d’un vin à déguster rapidement afin qu’il ne disparaisse dans les inondations, surgit un de ses frères, puis un deuxième avant le troisième et cadet de la famille. La réunion de cette fratrie qui ne s’entend pas tourne alors plus vite qu’un bon vin ! D’un frère à l’autre, on se raille et l’on revient sur une irréductible question de partage. Ce drame d’un cynisme revêche se déploie donc dans une enfilade de conflits, mais ce jusqu’à basculer habilement dans une dimension tragique pour le moins inattendue.
Dans une salle à manger vieillotte un tantinet trop garnie, Jean-Pierre Darroussin nous mord depuis l’incipit de la représentation. L’air de vieux bougon qu’il revêt, des plis de son front jusqu’à son dos courbé, le rend terriblement crédible. Et ce qui est fort, c’est qu’il parvient à nous attendrir avec ça. On sent bien que le vieil homme est apeuré, démuni, et l’on devine sans mal que les carcans rudes dans lesquels il s’est enfermé ne sont qu’une triste carapace. Cet antihéros savoureux est l’essence de cette pièce d’Alain Gautré, et la traduction scénique que nous en donne Jean-Pierre Darroussin nous régale d’un personnage agaçant, émouvant et ridicule.
Quant à Pascal Elso et Patrick Bonnel dans les rôles d’Albert et d’Alain, ils nous déçoivent par une prestation sans finesse et pleine d’une emphase qui fait parfois sombrer la satire dans la parodie. Des jeux de jambes très “série télévisée” du policier à la manière excessive de tituber du chômeur ivre, ces deux là nuisent au sérieux d’une pièce difficile, en même temps qu’ils s’imposent en points noirs d’un casting inégal. Avec eux, le cynisme perd en profondeur et le virage tragique qui fait la singularité de ce drame échoue.
Malgré les flottements conséquents à un plateau inégal, La Chapelle-en-Brie écrite et mise en scène par Alain Gautré reste un assez bon moment de théâtre. Une occasion de découvrir un texte dur et fort, et de se régaler devant la prestation géniale d’un Jean-Pierre Darroussin travesti en Harpagon des temps modernes.
Christine Sanchez
texte et mise en scène Alain Gautré avec Patrick Bonnel, Jean-Pierre Darroussin, Pascal Elso, Florence Payros, Philippe Risler
production Tutti Troppo, Comédie de Picardie, Le Carré/SN de Château-Gontier, production exécutive Prima Donna
coréalisation Théâtre du Rond-Point
Du 15 septembre au 31 octobre 2009 à 21 h 00
Réservation : 01 44 95 98 21
Tarifs : de 10 à 30 euros
Théâtre du Rond-Point – Salle Jean Tardieu
2bis Avenue Franklin Roosevelt
75 008 Paris – Metro Franklin Roosevelt
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