LA 23 ème NUIT DES MOLIERES Comme si vous étiez dans la salle. En direct du Théâtre de Paris
La nouvelle présidente Irène Ajer est une personnalité bien connue des professionnels, son départ du Ministère de la Culture fit bien des orphelins. Consciente de toutes les critiques : soirée trop longue, ennuyeuse, présentée par des maitres de cérémonie parfois incultes ou ignorants du sujet. Il faut de la haute diplomatie, ménager la chèvre et le chou, c’est-à-dire le théâtre privé et le public, et surtout il faut faire taire les mauvaises langues qui prétendent que les votes sont « arrangées ». Après une enquête que nous avons menée nous pouvons affirmer que cela est faux et blasphématoire ! Nous ne vous raconterons pas ce que vous avez pu voir à la télévision mais ce que nous avons vécu in situ. Le premier plaisir est d’assister à l’arrivée des invités, à ce petit concours d’élégance. Certains créateurs (?) devraient être passés par les armes pour mauvais goût !
Samuel Labarthe superbe, Laurent Terzieff tout simplement royal, Claude Rich malicieux, Mélanie Thierry voluptueuse, Annie Duperey charmante. Nous sommes en bonne compagnie. Avant de rentrer dans la salle, on peut déguster une coupe de champagne, histoire de nous griser. Une fois que nous avons gagné nos places, il est assez amusant d’assister au décompte avant le passage à l’antenne. La tension monte à O.K corral, va-t-on assister à un règlement de compte ou à une grande fête ? Laurent Baffie vient décoincer l’atmosphère. Comme à des enfants avant une réunion de famille, on nous explique : ne pas vous lever devant les caméras, bien applaudir, avoir l’air content du palmarès, et se taire pendant les petits discours.
La première bonne idée de ces Molieres new look est d’avoir choisi comme président de la soirée le sémillant Bernard Giraudeau qui nous gratifie d’un discours d’introduction spirituel en diable. La Deuxième est d’avoir demandé à Fréderic Mitterrand de présenter la soirée. C’est un homme de télévision et de culture et on lui pardonnera ses petites bévues. La troisième bonne idée est d’attaquer tout de suite avec le Molière du comédien, on attendait Claude Rich, on espérait Samuel Labarthe et ce fut Patrick Chesnais, très bon au demeurant pour Cochons d’Inde.
Afin que la soirée soit aussi un spectacle, on a confié à Laurent Baffie, la partie divertissement. Il ne réunira pas tous les suffrages, trop sage pour les uns, inutile pour les autres. C’est à ce trublion que l’on devra un Molière inattendu d’honneur, puisqu’à la grande surprise des organisateurs, Laurent Baffie l’attribuera à une Line Renaud fort embarrassée et gênée ! Line Renaud ne saura quelle attitude adopter et, elle s’en sortira avec les honneurs. Guy Bedos refusera de jouer le jeu d’une nouvelle facétie d’un Baffie peu inspiré. Malgré cet intermède maladroit, la soirée est plus réussie que les précédentes, elle aura, néanmoins, manquée de fantaisies. Il est à signaler la qualité des remettants, des textes plutôt drôles. Réjouissant Michel Vuillermoz, parlant un sabir des Carpates traduit par Catherine Jacob, ils honoreront les grands Jean-Baptiste Poquelin, Jean-Baptiste Sartre et le non moins célèbre Jean-Baptiste Corneille. Amusante Raphaëline Goupilleau, nous expliquant le bien fondé des adaptateurs. Délicieux duo que celui de Fellag et la piquante Marianne Epin nous disant L’école des femmes en arabe et en français, et Fellag nous racontant son désarroi face à l’arabisation des textes français, lorsqu’il était au conservatoire en Algérie. Divertissant duo des coulisses des compères Solo-Le Bolloch’.
Le palmarès fera, comme toujours, son lot de content et de mécontent. A l’annonce des nommés, nous étions étonnés de l’absence de Jacques Weber, qui compose un impressionnant César ( vous avez jusqu’au 9 mai pour le voir) ! Le Diable Rouge raflera les Molières « techniques », un peu juste pour cet excellent spectacle. Des gens, le spectacle de Zabou Breitman, Cochons d’Inde et Coriolan seront les grands vainqueurs de la soirée. Roland Bertin recevra avec beaucoup d’émotion et d’esprit le Molière du comédien dans un second rôle pour Coriolan, justice est enfin rendue à ce grand comédien qui n’avait pas été récompensée pour la vie de Galilée dans la mise en scène historique d’Antoine Vitez. Moment survolté avec Aude Briant, Molière de la révélation théâtrale. Sous l’exaltation perce l’angoisse des comédiennes qui n’ont plus de propositions. Aude Briant aurait pu être dans la catégorie comédienne, mais peu importe puisqu’elle est justement récompensée pour son interprétation pleine de force et de tendresse dans l’excellent Journal à Quatre mains .
Si nous aimons beaucoup Fréderic Mitterrand, son ton incantatoire ne prédisposait pas à la folle gaité, heureusement il y eu Jacques Bonnaffé, Christian Schiaretti qui parla fort bien du théâtre. Apres le générique de fin de la Nuit des Molieres les privilégiés furent conviés à un cocktail dans l’hôtel particulier de la S.A.C.D. Et la véritable Nuit allait commencer. Un joli moment ou l’on entend :« j’ai voté pour toi », ou « tu aurais dû avoir le Molière », mais peu importe, l’important étant de participer, et d’être vu.
Pour nous, public bienveillant, l’important est d’aller au théâtre. Comme d’habitude la soirée sera critiquée mais grâce à cette cérémonie certains spectacles seront mis en avant et si cela peut donner envie de sortir alors Vive la Nuit des Molieres !
Marie- Laure Atinault
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