« Opus 14 » : Kader Attou libère le Hip Hop
« Opus 14 » : Kader Attou libère le Hip Hop Direction artistique et chorégraphie Kader Attou Pièce pour 16 danseurs Musique Régis Baillet Scénographie Olivier Borne Du 6 au 8 novembre 2014 à 20h45 Le dimanche 9 novembre 2014 à 17h Réservations au 01 46 61 36 67 Les Gémeaux |
Du 6 au 9 novembre 2014
Kader Attou a décidé de nous surprendre, et lui-même en premier. Comment ? Dans « Opus 14 », le Hip Hop est graphique, spectaculaire et virtuose. Seize danseurs forment comme un corps de ballet, tout en inventant une liberté graphique qui peut aller… jusqu’à l’unisson! C’est pourquoi le titre ne suggère aucune anecdote, aucun voyage, si ce n’est l’exploration de la forme pure. Quatorze hommes et deux femmes, c’est presque une petite humanité, un microcosme à l’image des cités de la banlieue lyonnaise qui ont vu grandir Kader Attou et dont il a gardé le souvenir. Après être passé par les sports, les arts martiaux et le cirque, il a découvrit le Hip Hop en même temps que Mourad Merzouki, et même à ses côtés. Ensemble, ils créèrent la compagnie Accrorap, et alors que Merzouki fonda Käfig, Attou a conservé le nom d’Accrorap jusqu’à aujourd‘hui, alors qu’il dirige le Centre chorégraphique national de La Rochelle. Grâce à ce formidable outil de production, et à la création de la pièce à la Biennale de la Danse de Lyon, il peut aujourd’hui amener le Hip Hop vers des contrées peu explorées. Car Attou s’autorise ici à inscrire le Hip Hop dans un corps de ballet, et inversement. Ce qui ne va pas de soi. La danse urbaine est le chantre de l’individualisme, chaque danseur créant ses propres pas et enchaînements. Ici, le spectacle est ponctué d’unissons, en petits groupes ou bien pour l’ensemble de la troupe. Dans « Opus 14 », Attou décortique la grammaire de cette danse et la libère de tout contexte narratif et des connotations sociétales. La démarche tend vers l’art pour l’art, tout en s’appuyant sur un univers plutôt Old School. Qui dit, individualisme, dit aussi, virtuosité. « Opus 14 » en regorge, du côté acrobatique avec des sauts et des accélérations vertigineuses, jusqu’à la maîtrise du mouvement dans ses plus petits détails. Certaines traversées du plateau voient les danseurs se transformer en roues qui changent de rythme comme si nous étions dans un dessin animé. Mais un groupe de seize danseurs demande aussi un traitement différent de l’espace scénique. Là aussi, « Opus 14 » crée comme un lien entre la danse urbaine et un ensemble de ballet. Flux et reflux, occupations progressives du plateau, cohésion et dissolution du groupe donnent lieu à autant de démarches surprenantes dans le langage chorégraphique. Attou introduit une dimension horizontale très prononcée dans un style de danse qui ne jure que par la verticalité, utilisant le sol uniquement comme appui. Les danseurs de cet opus finalement très poétique et presque spirituel apprennent à faire du sol un véritable partenaire. C’est d’autant plus vrai que le sol et, comme le fond, couvert de dessins oniriques signés Olivier Borne. Les volutes grises, comme dessinées au fusain, évoquent un univers ouaté ou végétal, ou peut-être fait de tissus, de nuages, de sable… Il est rare, trop rare, qu’un chorégraphe prête au sol une telle attention. Pour que la beauté suggestive de ces volutes puisse se déployer librement, Attou renonce à son envie habituelle d’amener des meubles ou autres éléments scéniques volumineux. Avec « The Roots », sa création précédente, Attou dessinait l’évolution du Hip Hop depuis son éclosion européenne dans les années 1980, et le passage de la Old School à la New School de ce mouvement de cultures urbaines. « The Roots » est devenu, au passage, le spectacle Hip Hop le plus diffusé et apprécié de ces dernières années. « Opus 14 » est pourtant une approche très différente, car Attou se libère de son envie de nous raconter des histoires, petites ou grandes. Il crée ici des tableaux d’ensemble, des pas de trois, de deux ou même des solos qui offrent au spectateur la liberté de s’en inspirer pour en inventer à son tour. Thomas Hahn [Photos : Michel Cavalca] |
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