L’État de Siège : la capacité des sociétés à refuser le régne de la peur
L’état de siège D’Albert Camus Mise en scène de Emmanuel Demarcy-Mota Avec Serge Maggiani, Hugues Quester, Alain Libolt, Valérie Dashwood, Matthieu Dessertine, Jauris Casanova, Philippe Demarle, Sandra Faure, Sarah Karbasnikoff, Hannah Levin Seiderman, Gérald Maillet, Walter N’Guyen, Pascal Vuillemot & en alternance Ilies Amellah, Joséphine Loriou, Chiara Vergne Du 8 mars au 1er avril 2017 Tarifs : 10 à 30 euros Réservation par tél. au 01 42 74 22 77 Durée : 1h50 Théâtre de la Ville |
Du 8 mars au 1er avril 2017 Cette pièce d’Albert Camus a été écrite au lendemain de la seconde guerre mondiale et Emmanuel Demarcy-Mota a eu l’idée de la monter juste après les attentats à Paris. La situation actuelle et l’attachement du metteur en scène à cet auteur donne au texte toute sa pertinence. Tout commence par un bal dans une petite ville tranquille. Sur le plateau, quoique bâché de noir, les couples et leur danse bon enfant répandent une ambiance paisible. Mais survient brutalement un fléau, la peste, et la peur immédiatement s’empare de tous les habitants jusqu’à gouverner leurs pensées, contrôler leurs actions et les déposséder d’eux-mêmes. Sur ce terreau propice au pire, le totalitarisme n’a plus qu’à se poser aisément et peut progresser avec la facilité d’un jeu d’enfant, écrasant la foule, individu par individu, sans rencontrer d’obstacle. Quand L’état de siège avait été créé après la guerre, l’équipe de Jean-Louis Barrault, avec notamment Maria Casarès, cherchait à faire entendre la capacité des sociétés à refuser le régne de la peur au profit de l’aptitude à la résistance. C’est bien cette même intention qu’Emmanuel Demarcy-Mota insuffle à son équipe forte et impliquée. L’allégorie de La peste est personnifiée par Serge Maggiani dont la cruauté est mielleuse à souhait et dont la secrétaire, sous les appâts de Valérie Dashwood, est ni plus ni moins que La mort joliment vêtue de cuir rouge. Le couple diabolique orchestre la terreur parmi le peuple mais il se heurte cependant à un autre couple, jeune et follement amoureux, qui pourfend le mal et se montre prêt à tout. L’espace, traité en plusieurs niveaux et cintré de trois écrans pour la vidéo, est exploité au mieux. Les figures du mal drapées dans des manteaux noirs sillonnent le lieu et l’étouffement effrayant est renforcé par des trappes où tombent les pestiférés. Mais le couple, qui à lui seul oppose la force salvatrice de l’amour et de la confiance, invite à de superbes envolées textuelles qui, avec leur surgissement, donne une sensation d’élargissement d’espace. A travers eux, réplique moderne de Roméo et Juliette, Albert Camus défend sa foi en l’homme ainsi que sa ferveur inspirée par la nature. “A la veille d’une échéance électorale inquiétante et alors que les adultes transmettent à la nouvelle génération une dimension anxiogène”, Emmanuel Demarcy-Mota en recourant à ce texte questionne avec brio le théâtre et sa qualité d’ouverture au dialogue, pour contrer les pulsions de mort toujours à l’oeuvre. [ Crédit Photo : © Jean-Louis Fernandez] |
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