L’Avaleur : OPA sur Cherbourg signée Robin Renucci !
L’Avaleur D’après “Other People’s Money” de Jerry Sterner Mise en scène de Robin Renucci Avec Nadine Darmon, Marilyne Fontaine, Xavier Gallais, Robin Renucci et Jean-Marie Winling Du mardi au vendredi à 20h, samedi à 19h et dimanche à 16h Tarifs : de 5 à 14 euros Réservation en ligne ou par tél. au 01 47 00 25 20 Durée : 1h40 La Maison des Métallos |
Jusqu’au 18 février 2017, puis tournée dans toute la France jusqu’au 14 avril 2017
Autrefois, fermer une entreprise signifiait faire faillite. Aujourd’hui, on appelle cela « optimiser ». Après « Le Faiseur », formidable fresque théâtrale de Balzac qui racontait l’accumulation financière au 19° siècle, le metteur en scène et directeur des Tréteaux de France Robin Renucci poursuit une saga autour de la finance mondiale avec l’adaptation de la pièce de l’Américain Jerry Sterner, qui fut chef d’entreprise et tira de son expérience une satire du monde de la haute finance. Avec pédagogie et grâce à la maestria des comédiens dont Xavier Gallais, il réussit un spectacle efficace, drôle, instructif et dévastateur. David contre GoliathOn le sait tous. Le combat reste inégal lorsque des grands groupes financiers viennent à attaquer des entreprises de taille familiale dont les gains juteux pourraient se transformer en dividendes en or massif. Depuis les années 90, la finance est devenue toute puissante, et Wall Street ou la City de Londres déploient leurs innombrables tentacules pour démultiplier leurs bénéfices à partir d’actifs prometteurs, via des opérations de plus en plus sophistiquées. La pièce de Jerry Sterner raconte l’OPA de Franck Kafaim dit « L’Avaleur », trader à la City de Londres et génie du rachat des entreprises, dont l’appétit gargantuesque de pouvoir, d’argent et de sexe ne connaît pas de limites. Son objectif : avaler par petites bouchées l’entreprise « Le Câble Français de Cherbourg » dont le fonctionnement familial lui semble obsolète, mais qui fait des bénéfices et permet à 1200 salariés de vivre convenablement. Une entreprise centenaire, transmise de père en fils, et dont le patron, épaulé par sa compagne, gère de manière raisonnable et humaine en faisant rayonner la ville. Le loup de la City Après un prologue pédagogique où le narrateur-personnage, Robin Renucci, nous introduit l’intrigue, la pièce se déroule sous nos yeux avec une redoutable efficacité dans les dialogues et une accélération furieuse des situations, insufflant une dose de suspense dans le public. Costumes aux couleurs flashy, décor géométrique faite de panneaux noirs, perruques stylisées, lumières cinglantes, la forme ici souligne le propos d’une brillante limpidité. L’ogre de la City, l’ »Avaleur », c’est Xavier Gallais, acteur caméléon méconnaissable, transformé en Bibendum obèse, le cheveu roux peroxydé à la Trump, gobant des éclairs au chocolat entre deux rails de cocaïne. Il est époustouflant de mépris et de cuistrerie, dégaine de voyou dragueur de filles et de profit. Tout lui est dû, rien ne lui fait peur, et quand sa Mercedès déboule à Cherbourg, les Normands n’ont qu’à bien se tenir. Un monde qui bascule Ni le chef d’entreprise (Jean-Marie Winling), ni sa compagne (Nadine Darmon) ne voient le danger venir. A tel point que le fidèle adjoint, joué par Robin Renucci, sent le vent tourner et face à la tempête dévastatrice choisira de traverser la Manche. Les câbles de télécommunication traversent bien la mer, il faut donc aller négocier avec Goliath. Lancée telle une amazone pour défendre l’entreprise de ses parents, leur fille avocate financière (Maryline Fontaine) se lance à l’assaut du géant de la finance grâce à une stratégie métissée de sexe et de droit des affaires. C’est burlesque, effrayant mais aussi vraisemblable que la crise des « subprimes » en 2008 que personne n’avait vu venir. On ne vous racontera pas le dénouement car il est au choix merveilleux ou cyniquement déroutant. Du théâtre intelligent, drôle, formidablement joué et qui nous fait comprendre en profondeur les mécanismes huilés et secrets qui régissent notre nouveau monde. A recommander à partir de 13 ans. Hélène Kuttner [Crédits Photos : © jean-christophe Bardot ] |
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