Karl Marx le retour au Théâtre du Lucernaire
L’effondrement de l’URSS et du mur de Berlin a sonné le glas des utopies marxistes et communistes. Le capitalisme triomphe plus que jamais. Sociologue et historien, professeur d’histoire politique à l’Université de Boston, Howard Zinn (mort en janvier 2010) auteur entre autres de L’histoire populaire des États-Unis de 1492 à nos jours et de plusieurs pièces de théâtre, réagit dans Karl Marx le retour, écrit en 1999, au discrédit et à l’enterrement en règle de Marx et du marxisme. Avec humour, sur un ton quasi farcesque, il dénonce l’instrumentalisation et le détournement de la pensée et de la conception du socialisme de Marx par les pouvoirs dits communistes et les idéologues post et pseudo marxistes qui, tout comme la majorité des grands médias et des politiciens, à la chute du mur de Berlin, se sont engouffrés dans le paradis du capitalisme.
Howard Zinn montre Karl Marx au-delà du mythe, dans sa vie quotidienne, au sein de sa famille, avec ses faiblesses, ses lâchetés, ses contradictions, ses illogismes. Un homme qui a passé sa vie dans les bibliothèques à étudier, à réfléchir et à écrire, qui a donné une vision puissante du changement du monde et d’une société juste, gérée par les travailleurs, mais qui, se faisant entretenir par ses parents et par Engels, n’a jamais travaillé lui-même et ignorait tout de la réalité du monde ouvrier.
Reprenant le ton de la pochade, du gag provocateur d’Howard Zinn, Christian Fregnet a conçu un spectacle pour être joué dans un rapport direct au public, dans des petits lieux et dans des espaces rudimentaires : café, entreprise, lycée, appartement, parking ou petite salle de théâtre. Une économie totale de moyens, pour tout décor une caisse, une chaise. Dans un nuage de fumée apparaît un vieil homme barbu en redingote et gilet noir, lunettes rondes et sac à dos.
Émile Salvador ramène la figure statufiée de Marx à sa dimension d’homme presque bourgeois ordinaire, avec ses petits égoïsmes, ses excès, ses incompréhensions et son détachement des difficultés matérielles, parfois touchant et par moments irritant. Seule réserve, son interprétation vive, imprégnée d’humour, s’appuie trop sur les clichés de la gestuelle.
Christian Fregnet nous offre un spectacle intelligent qui ne prend pas des airs de réhabilitation mais, donnant un coup de projecteur sur la substance originelle du marxisme, propose une réflexion, si nécessaire aujourd’hui, non pas sur l’utopie mais sur la réalité possible d’une société socialiste alors que le capitalisme dévore notre planète.
Irène Sadowska Guillon
Karl Marx le retour
D’Howard Zinn
Traduction de Thierry Discepolo
Mise en scène de Christian Fregnet
Avec Émile Salvador
Le texte de Karl Marx le retour est publié aux Éditions Agone
Jusqu’au 30 mai 2010
Du mardi au samedi à 18h30
Dimanche 15h
Réservations au 01 45 44 57 34
Prix des places 22 €, réduit 15 €, groupes 10 €
Théâtre du Lucernaire
53 rues Notre-Dame des champs
75006 Paris
Métro Notre Dame des Champs (ligne 12)
Retrouvez cet article en intégralité sur www.kourandart.com
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