Julien Iscache : “Pour entreprendre, il faut avoir une grande capacité de travail et être prêt à prendre des risques”
Directeur des productions de Compote de Prod, une boite de production spécialisée dans les comédies musicales pour le jeune public et créée en 2015 avec des amis d’études, Julien Iscache nous présente le processus de création et de développement de sa structure et prodigue de précieux conseils à ceux qui souhaiteraient entreprendre.
Vous avez créé votre premier spectacle Souviens toi, Pan durant vos études à Télécom Sud Paris. Quel était votre rôle dans la création de ce spectacle ?
Nous étions principalement deux à la direction artistique : Julien Goetz s’occupait de la direction musicale et je supervisais la cohérence du spectacle. Toutefois, il y avait également toute une équipe de chorégraphes, assistants à la mise en scène et à la direction d’acteurs. Je me suis pour ma part rapidement orienté vers la production pure mais je continue d’avoir un œil sur ce que nous faisons artistiquement sur les projets, c’est obligatoire. À l’origine, c’était vraiment une passion que nous avions entre amis et futurs associés.
Comment s’est effectué le passage de l’amateurisme au professionnalisme ?
Les écoles permettent de se retrouver et d’avoir un peu de moyens pour monter des projets comme des spectacles. Nous avons donc eu des débuts dans de bonnes conditions amateures. Une fois dans la vie active, nous avons voulu remonter Souviens toi, Pan car nous lui voyions de belles qualités pour devenir un spectacle professionnel. Nous l’avons fait dans le cadre d’une association en juillet 2011, sous forme amateure/semi-professionnelle. C’était une belle aventure mais avec nos vies professionnelles en parallèle, ce n’était pas évident. Nous avons donc fait une pause avec cette activité, avant d’y revenir deux ans plus tard, en créant Alice, qui tourne encore aujourd’hui. C’est cette comédie musicale qui a joué le passage entre l’amateur et le professionnel : nous l’avons d’abord créée dans le cadre de notre association au Théâtre Clavel.
Quand le Théâtre Clavel nous a proposé de la jouer aussi au Vingtième Théâtre, qui était un plus grand théâtre, nous nous sommes rendus compte que la structure amateure commençait à devenir un peu légère. Une des raisons pour laquelle nous avons passé le cap, c’est qu’il fallait donner des niveaux de responsabilité selon l’investissement en temps et en argent de chacun qui était différent. Cela n’était pas très clair sous la forme associative. En plus, avec ce nouveau spectacle, il commençait à y avoir des investissements plus importants. La structure est donc devenue juridiquement professionnelle en 2015. Cependant, je considère que notre activité l’est devenue au bout de quatre-cinq ans car cela prend du temps d’apprendre, d’avoir les fonds pour s’auto-financer et de rentrer dans un système régulier de subventions, d’aides de l’Etat. Côté professionnalisme, ce qui est primordial pour moi, c’est de payer les artistes quand ils travaillent. Nous savons que c’est compliqué dans ce métier, parfois les répétitions ne sont pas rémunérées alors qu’il y a des aides pour ça !
Selon vous, que faut-il pour entreprendre ?
Il faut avant tout le faire dans un métier qui nous passionne et avoir une capacité de travail importante car il faut beaucoup de cordes à son arc, savoir un peu tout faire. Il faut aussi avoir assez confiance en soi pour être capable de prendre des risques, encore plus dans le monde du spectacle. Un conseil : ne pas entreprendre tout seul ! Il faut déjà avoir un petit capital à investir avant de se lancer dans des projets de qualité pour qu’ils puissent ensuite eux-mêmes s’autoalimenter. Maintenant que nous accompagnons des jeunes compagnies, nous leur apprenons qu’il faut être patient.
Considérez-vous cette activité comme une reconversion professionnelle ?
Non pas vraiment car j’ai toujours continué à faire mon premier métier en parallèle, ingénieur conseil, plus ou moins fréquemment. Je le considère plutôt comme un élargissement professionnel. En plus, les capacités d’organisation et de gestion de projet que j’ai développées avec ce métier me servent sur Compote de Prod. Toutefois je n’ai pas eu de formation propre au monde du spectacle donc j’ai appris en faisant. Cela n’a pas été facile au début car nous avons toujours monté nos projets de A à Z tout seuls. Cela nous a permis d’apprendre sur le terrain.
Vous étiez originellement cinq membres permanents dans l’équipe et vous êtes maintenant huit. Pouvez-vous nous la présenter ?
Nous étions effectivement cinq quand nous avons monté la société, mais avec des implications plus ou moins fréquentes. Par exemple, certains s’impliquaient le soir après leur travail. Si l’on raisonne en équivalence temps plein de travail, au début il n’y avait qu’une seule personne et maintenant il y en a cinq-six. Aujourd’hui, l’équipe est constituée de quatre postes permanents.
De quels postes avez-vous eu besoin au fur et à mesure ?
Nous avons cherché les compétences que nous n’avions pas comme quelqu’un pour la réalisation graphique et la communication, puis une autre personne pour renforcer l’équipe dans les tâches administratives afin de nous laisser du temps pour développer l’activité. Nous avons aussi créé un poste pour la technique, la logistique et l’opérationnel car nous avons un réel parc de matériel technique sur nos spectacles. Concernant la diffusion, nous avons toujours travaillé avec des structures qui nous y accompagnaient. Désormais nous le faisons de plus en plus nous-même. Nous sommes d’ailleurs en train de nous réorganiser pour que ce soit plus clair : Compote de Prod va rester une structure de fabrique de spectacles et nous allons en créer une autre qui ne fera que de la vente, de la diffusion et de la commercialisation.
Quels sont les moments où il y a le plus d’activité dans l’année ?
Les deux moments avec le plus d’activité sont novembre/décembre, car c’est une grosse période de tournées, et juillet avec le festival d’Avignon. Il s’agit de deux pics où nous sommes tous mobilisés. Le reste de l’année, il y a moins de représentations et il faut préparer les tournées, monter les spectacles, organiser les répétitions…
Est-ce qu’il vous arrive de jouer à Paris ?
Cela fait quelques années que nous n’avons pas joué à Paris, notamment en raison du covid. Nous avons beaucoup développé nos tournées. C’est agréable de jouer partout en France. Paris, c’est risqué : il ne faut pas aller jouer n’importe où.
Retrouvez ici le site Internet de Compote de Prod, ainsi que leur page Instagram et Facebook.
Propos recueillis par Élodie Pochat
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