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“Joyeuses Pâques” : une réjouissante descente aux enfers

Hélène Kuttner 16 février 2023
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©Pauline-Maillet

Jean Poiret avait créé en 1980 une comédie renversante, mettant en scène un mari volage cerné par ses mensonges et sa légèreté, entouré des femmes qui le dévoilent crûment. Nicolas Briançon met en scène ce succès au Théâtre Marigny en y incarnant le héros, entouré de Gwendoline Hamon, Alice Dufour et Claire Nadeau, formant un casting d’enfer. La réussite est à la hauteur du texte : drôle et délicieusement féroce.

Un boulevard plus que parfait

L’appartement à la décoration années 1930 est superbe (décor de Jean Haas) avec ses touches de lumières et de dorures modernistes. Il faut dire qu’au départ on ne voit pas grand chose, sauf un homme, Nicolas Briançon, qui tâtonne dans la pénombre pour vérifier de manière fiévreuse que toutes les portes et les fenêtres de ce 200 mètres carrés près du Champ de Mars soient bien fermées. On est en pleine nuit, et celle qui l’accompagne est beaucoup plus jeune, bien sûr, et sacrément jolie. Alice Dufour campe cette jeune fille de 20 ans cueillie un soir par un regard masculin, et qui pense associer une soirée coquine pour profiter d’un appartement où bien dormir. Sauf que, comme souvent, la maîtresse de maison, Gwendoline Hamon, rentre par inadvertance et que rien ne se déroulera comme prévu. Les pleins feux illumineront cette scène de tragédie où notre pauvre héros, pris sur le vif, devra avouer retrouver une enfant reconnue sur le tard, aujourd’hui étudiante, qu’il n’aura pas osé révéler à son épouse.

Un spectacle total

©Pauline-Maillet

Pareille situation, qui dépasse les simples clichés pour plonger dans la farce burlesque, avec des dialogues et des situations qui vont au delà du ridicule, l’adultère démystifié dans un milieu bourgeois, peut vite tomber dans le grotesque. Rien de tout cela ici, du fait que les comédiens incarnent pleinement leurs personnages, avec une sincérité, une émotion non feinte, ce qui les rend méchamment vulnérables, faibles et ridicules. Chacun d’eux joue une partition excessive et pourtant juste, dans un milieu où l’hypocrisie et les faux-semblants sont aussi nécessaires que la politesse. La vivacité de la pièce, créée il y quarante ans, retrouve aujourd’hui une vigueur étonnante, devenant presque féministe, par la grâce des comédiens et d’une mise en scène rythmée et trépidante.

Trio infernal

Dans le rôle de l’époux ridicule, Nicolas Briançon ne s’économise pas, il virevolte en brodant des fables et en tâchant de recoller les morceaux de ses mensonges rocambolesques. Mais l’auteur de la pièce connaît les hommes et leur totale absence de scrupules. Gwendoline Hamon, habillée très élégamment par Michel Dussarat, incarne l’épouse trompée avec une finesse et une lucidité remarquable, ce qui lui permet de pactiser avec sa nouvelle belle-fille, que joue avec beaucoup de doigté et de charme la superbe Alice Dufour. L’étau triangulaire se refermera ensuite avec l’arrivée triomphale de Claire Nadeau en Mère Courage, sensée récupérer sa « vraie » fille ! Une entrée fracassante, jouée avec un talent démesuré par la comédienne. Dominique Frot en bonne déjantée, Muriel Combeau, Pascal Elso et Raphaël Dullery complètent cette épatante distribution dirigée avec brio. Un bonheur total.

Hélène Kuttner




 

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