Journal de ma nouvelle oreille au Rond-Point
Journal de ma nouvelle oreille D’Isabelle Fruchart Mise en scène et adaptation de Zabou Breitman Interprété par Isabelle Fruchart Jusqu’au 4 juillet à 20h30 Relâche les lundis Tarifs : de 11 à 28 € Réservations au Durée : 1h20 Texte publié aux Éditions Les Cygnes Théâtre du Rond-Point M° Franklin D. Roosevelt |
Jusqu’au 4 juillet 2015 Comédienne et auteur, Isabelle Fruchart raconte au public sa vie de malentendante subitement revenue au monde sonore grâce à un appareillage. Spectacle douloureux ? Non. Extraordinairement léger, teinté d’humour, de fraîcheur et d’émerveillement. Une magnifique leçon de vitalité. Tout commence par une scène d’un charme impeccable, dans laquelle Isabelle Fruchart incarne Charlot. Après ce numéro muet, le journal intime est lu au jour le jour et narre la vie réelle de cette jeune femme. Le public apprend comment, adolescente, elle a subitement perdu sa capacité auditive et comment elle a vécu avec cette difficulté permanente. Combative et obstinément du côté de la joie de vivre, elle contourne l’obstacle. Elle refuse la plainte, elle s’accommode, elle ruse et triche sur son handicap avec enchantement. Mais à force d’être encline à ne pas plier sous la déficience, elle entraîne son entourage dans cette non prise en compte de la souffrance et il lui faut redoubler d’efforts pour maîtriser une conversation ou maintenir sa vie sociale. Elle se fatigue mais elle y parvient. De fait, les années passent et elle mène sa vie et son métier de comédienne comme si elle entendait correctement, quitte à semer des quiproquos dans sa sphère privée ou professionnelle. Le plus extraordinaire dans cette histoire vraie, c’est qu’elle mène bel et bien son métier d’actrice avec réussite, travaillant au Théâtre du Soleil et dirigée par de grands metteurs en scène. Ce n’est qu’à 26 ans, après maintes démarches envers de mauvais thérapeutes, qu’enfin la médecine lui signifie clairement qu’elle a 70 % d’audition en moins à chaque oreille et que le port d’un appareil risque de lui faire perdre le peu d’audition qui lui reste. Le diagnostic a le mérite de ne plus permettre le doute et cette reconnaissance de la déficience par elle-même et son entourage est une première étape dans le processus de soulagement. Il lui faut cependant encore attendre dix ans pour que la technique numérique lui permette de recourir à l’appareillage sans risques. Sa vie alors bascule totalement. Elle renaît à la sonorité du monde, attrapant à nouveau un certain pan du quotidien ainsi que des relations ordinaires avec les autres qui ne cessaient de lui échapper. Au plus près de ces redécouvertes, on se penche avec Isabelle Fruchart vers le moindre bruit qui tout à coup prend une importance inattendue, on saisit combien un son, une musique ou un murmure peuvent impliquer l’attachement au monde. Le spectacle est mis finement en scène par Zabou Breitman, dont la délicatesse pétillante épouse en profondeur ce témoignage. Le simple décor de verdure qui cadre le plateau sied parfaitement à Isabelle Fruchart dont le jeu, la diction et les mouvements ont une souplesse et une grâce naturelles. Zabou Breitman a su rendre la spécificité de cette expérience à la fois terrible et pourtant pleine de saveurs tant celle qui la vit a une personnalité contrastée et pleine de force sous cette féminité gracieuse, victorieuse, séduisante. C’est toute la magie de ce spectacle qui n’a rien de fictif. Le public est porté par la sincérité d’Isabelle Fruchart qui joue sa propre histoire, avouant son isolement et ses difficultés sans jamais perdre le goût de la lutte et de la vie, non avec rage mais avec une désinvolture élégante et poignante. Ce périple si particulier est d’une rareté qui touche le public, interpréter son propre vécu avec une telle générosité était risqué. Isabelle Fruchart, modelée très jeune par ce handicap superbement vaincu, transmet en tant que comédienne toutes les qualités rayonnantes de la femme qu’elle est devenue, à cause et grâce à cette épreuve. Émilie Darlier [Photos © Giovanni Cittadini Cesi] |
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