Jérôme Bosch, tableaux de cirque
« Bosch Dreams »: Imaginez que vous vous endormez, pour vous réveiller dans le monde fantasque et sanguinaire, surréel et poétique de Jérôme Bosch. Plonger dans un tableau du XVIe siècle? Bien sûr, c’est impossible. Sauf pour les circassiens québécois des 7 Doigts de la Main! A vérifier sous chapiteau, à La Villette.
Hieronymus Bosch, ou bien: Jérôme. On le dit « primitif flamand », alors que ses tableaux sont d’un raffinement infini. Des centaines de personnages, des milliers de détails. Par tableau! Et chacun aborde un grand thème du christianisme, mais dénonce aussi les enfers sur terre, enfers créés par les hommes eux-mêmes. Des flammes, des batailles, d’indicibles souffrances. Mais les plaisirs de la chair aussi, sous toutes leurs formes.
Cinq cents ans après la disparition du peintre (le demi-millénaire sous l’influence de Bosch s’est fêté en 2016), Samuel Tétreault (co-directeur des 7 Doigts de la Main) et Martin Tulinius (metteur en scène de la compagnie de théâtre danoise République) ont conçu un hommage visuel et acrobatique, en phase avec l’univers de Bosch.
Bosch bucolique
Cependant, pour en faire un spectacle de cirque, il faut quelque peu jouer au censeur. Exit les poissions géants avalant les humains, les ventres percés, le sang qui coule… Au cirque, on va en famille, toutes générations confondues. Il fallait mettre le cap sur les images les plus oniriques, aériennes et poétiques relevant la part de paradis dans les enfers dantesques du maître flamand: Paysages verdoyants, costumes d’époque et étranges créatures entre homme et animal. Du Bosch soft donc, même si des flammes imaginaires peuvent y ravager une projection d’arrière-plan.
Envolé et fantasmagorique, « Bosch Dreams » est un travail d’orfèvre, dans la création des vidéos autant que du côté circassien. Et plus encore dans la combinaison des deux disciplines. Mention spéciale donc au créateur des vidéos, masques, costumes et décors, à savoir Ange Potier qui est également un très talentueux dessinateur de BD et a collaboré à l’écriture du scénario, pour aboutir à une fusion totale entre les corps réels et les images dessinées.
Bosch « citoyen »
L’œuvre de Bosch est identifié comme précurseur de Dali et comparé aux fresques hallucinatoires de ce Jérôme dont on ne connaît rien, mis à part ses tableaux, ses contemporains nommés Pieter Breughel (père et fils) font figure de photoreporters. On assimile parfois les apparents délires de Bosch à des visions hallucinatoires, alors que son bestiaire humain relève d’une approche rigoureuse jusque dans le moindre détail. « Bosch Dreams » ajoute un chapitre magistral aux relations intenses et intrinsèques entre les arts de la scène et la peinture, disciplines-sœurs qui se sont mutuellement inspirées, siècle après siècle.
Mais on peut ajouter un autre aspect, tout sauf anodin. En 2015, Les Sept Doigts de la Main reçoivent le prix canadien « Artiste pour la paix ». En 2016, ils créent « Bosch Dreams », hommage à un peintre qui semble dénoncer avec véhémence les tortures et souffrances que l’homme inflige à se semblables. Et même si personne ne sait rien quant aux intentions véritables de Bosch, même si « Bosch Dreams » relève une facette plus apaisée de l’œuvre, la compagnie montréalaise montre que même un spectacle circassien grand public et ultra-esthétique peut être un spectacle citoyen, au sens noble du terme.
Thomas Hahn
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