Jérôme Bel au Festival d’Automne: Un portrait en portraits
Portrait Jérôme Bel au Festival d’Automne Du 4 octobre au 10 décembre 2017 |
Du 4 octobre au 10 décembre 2017 Jérôme Bel a écrit quelques-unes des pages les plus éclatantes de la danse contemporaine. Ce n’est pas pour rien si on parle de la « génération Jérôme Bel » pour désigner une véritable révolution en danse, à partir des années 1990. Tout un courant s’est inspiré du regard, à la fois analytique et espiègle, que cet iconoclaste a posé sur les codes du spectacle. Jérôme Bel abolit les frontières et les conventions, il libère la danse, les danseurs et le public. Festival dans le Festival (d’Automne), le Portrait, une coutume solidment ancrée dans la vie du festival, est en cette 45e édition consacré à Jérôme Bel. On le verra donc sous toutes ses facettes, du solo historique à une création pour le Ballet de L’Opéra de Lyon, et dans son travail avec des amateurs et des handicapés, quand il s’associe à la compagnie suisse Theater Hora ou la Candoco Dance Company de Londres. Aussi, beaucoup de ses pièces s’amusent à nous montrer ce que Liberté, Egalité et Fraternité peuvent incarner, quand ces principes républicains sont vécus avec esprit et passion. Un portrait Jérôme Bel donc, et autant de pièces de lui qui sont des portraits d’autres personnes. A moins qu’il ne livre, au passage, un autre portrait de lui-même. Dans Pichet Klumchun and myself, Bel se révèle à lui-même et à nous dans le regard, parfois incrédule, du danseur thaïlandais. Ce choc des cultures chorégraphiques et humaines n’a pas fini d’amuser le public et Bel lui-même. Véronique, Cédric et Jérôme Quand il invite un ancien interprète français de Merce Cunningham ou une danseuse de l’Opéra de Paris à parler de leur vie, de leur travail, de leurs rêves ou de leurs regrets, ce sont leurs noms qui deviennent les titres des spectacles : Cédric Andrieux et Véronique Doisneau. Et les deux se sont bien plus fait connaître à travers Jérôme Bel que par leur travail au quotidien au sein de leurs compagnies respectives. Avec Véronique Doisneau (ici présenté en film car cette biographie dansée prend tout son sens sur le plateau du Palais Garnier), Bel entra en contact avec le monde du ballet. C’était en 2004. En février 2016, il retrouva l’ensemble parisien pour faire évoluer Giselle en fauteuil roulant, sur invitation de Benjamin Millepied. Des ballets et un Gala Aujourd’hui il conçoit une soirée entière pour le Ballet de l’Opéra de Lyon. C’est lui-même qui choisit le deux premières parties, puisées dans le répertoire William Forsythe et Trisha Brown. Et il va de soi qu’il fait ces choix parce que la troisième partie, qu’il chorégraphie entièrement, rebondira sur ces deux œuvres. Des hommes en tutu, exacerbant l’image d’Epinal de la ballerine romantique, pourront ainsi déconstruire les codes du ballet et aller au-devant de Forsythe ou Brown, qui s’appuyaient en leur temps sur ces mêmes codes pour inventer un langage contemporain. Mais Jérôme Bel avait auparavant travaillé à nous interroger sur ce que nous voulons voir et recevoir quand nous prenons place, face à une scène et des artistes. Dans Jérôme Bel, il enlève les costumes et la danse, pour mettre en scène le corps comme ce qu’il est, pour faire spectacle ou non-spectacle avec ce que le corps arrive à dire quand cet outil, ce matériau de la danse, est autorisé à parler pour lui-même. Après tout, c’est bien ce qu’il proposa plus tard à Doisneau, Klumchun et Andrieux. Un nouveau tournant Après avoir exploré le monde du ballet, Bel alla, non sans appréhension, à la rencontre avec les acteurs, professionnels mais handicapés, de la compagnie suisse Theater Hora. Et là aussi, chacun(e) es invité(e) à parler de sa vie, avec ses goûts et ses couleurs. Créé en 2012, Disabled Theater donna un nouveau tournant à son travail. Désormais Bel franchit aisément les frontières entre personnes « valides » et « handicapées ». On le voit aujourd’hui quand Bel reprend The show must go on, cette pièce mythique de 2001, où des citoyens non-danseurs témoignaient de leur rapport à la musique pop, tout en ne faisant rien de ce que le public attend en matière de spectaculaire, quand il va au spectacle. La Candoco Dance Company, qui reprend cette pièce, mélange danseurs vivant en fauteuil roulant et d’autres qui marchent et dansent sur leurs deux jambes, selon le principe du danser-ensemble que les Britanniques appellent « mixed ability ». Tous ensemble! Mais c’est dans Gala que le vivre-ensemble de tous, avec leurs corps dont très peu correspondent à l’idéal du danseur, bat son plein. Et même si tous exécutent un grand jeté, une pirouette etc., Gala prouve que les gens « ordinaires » ont plus de choses à raconter, y inclus sur une scène, que les corps de danseurs à la silhouette parfaite. Gala est une fête de la diversité, où tous les corps et tous les âges se retrouvent et offrent du plaisir au public, qui voit ses semblables occuper le plateau. Chacun y présente exactement ce qu’il est, à travers la danse. La richesse de Gala et là, dans cette liberté où l’on n’est plus face aux interprètes, mais avec eux. Et pourtant il s’agit bien d’un spectacle. Alors, pour conclure cette série de portraits qui constitue le portrait de l’artiste qu’est Jérôme Bel il conclut avec Un spectacle en moins, où on sera encore plus amené à sortir de sa position confinée et définie de celui qui reçoit. Et comme pour Gala, Bel va affiner cette proposition, en amont at par un dialogue avec le public, invité à réagir de toutes les façons possibles et imaginables. Un spectacle en moins sera toujours une expérience de gagnée, vu que son Nom donné par l’auteur ou The show must go on et autres pièces fondatrices étaient déjà tout à fait cela : des spectacles en moins, mais néanmoins des repères incontournables.
Thomas Hahn [Crédits Photo 1 : © Hermann Sorgeloos/ Photo 2 : © Michel Cavalca/ Photo 3 : © Foteini Christofilopoulou/ Photo 4 : © José Frade ] |
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