Jan Fabre au Théâtre de la Bastille, respirez…
Drugs kept me alive et Preparatio mortis De Jan Fabre Avec Antony Rizzi, Annabelle Chambon Respectivement Tarifs : de 14 à 24 € Durée : 1h10 et 50 min. Théâtre de la Bastille |
Jusqu’au 23 mars 2016 Jan Fabre, une comète au Théâtre de la Bastille en trois spectacles où danse, musique et textes s’entremêlent autour du thème de la vie sous la lisière de la mort. Après Attends, attends, attends… (pour mon père), Drugs kept me alive ainsi que Preparatio mortis libèrent le souffle vital. Chorégraphe, metteur en scène, plasticien et auteur, Jan Fabre se centre ici sur le mouvement du corps, la musique et du texte en incursion variable. Avec Drugs kept me alive, spectacle surtitré, il s’agit du monologue d’un survivant qui s’élance dans toutes les directions pour échapper à l’heure fatale. Rapide et doté d’humour, il se précipite dans le magma de l’espace-temps jusqu’à l’ivresse. Il crie avec ferveur les noms des pilules médicamenteuses susceptibles de le sauver, il en rit et s’étourdit d’espoir ou de désespoir au bord du gouffre de la mort. Ce jeu fou avec l’obscurité est interprété par le performeur Antony Rizzi, qui a déjà une longue collaboration avec Jan Fabre. Danseur historique de William Forsythe, il raconte ici son combat contre le sida, d’où les fioles en tout genre qu’il manie et avec lesquelles il jongle comme il le fait habilement avec le texte et la danse, passant de l’un à l’autre, léger et grave, vif et sombre, extrême et captivant. Preparatio mortis est inspiré du solo de danse qui fut créé au Festival d’Avignon en 2005, où Jan Fabre fut le créateur perturbateur et encensé de l’été. Le spectacle est développé et interprété par Annabelle Chambon sur la musique pour orgue de Bernard Foccroulle. On y affronte la mort pour mieux s’en éloigner et la chorégraphie invite à se retirer en beauté des tendances actuelles de la société qui confinent la vie dans des maisons de soins ou des hôpitaux. Un tapis de fleurs évoque les bouquets dont regorgent les cimetières mais de ces sinistres champs s’échappe une ode à la vie tout autant qu’une soif d’utopie. Dans une danse féline superbe, Annabelle Chambon restitue le souffle vital et une respiration s’empare du plateau jusqu’à la salle, respiration fondamentale, respiration partagée, respiration de l’artiste autant que de l’air pompé dans les tuyaux de l’orgue dont la sonorité magistrale provoque une rencontre quasi-organique. On gravit ainsi au fil des trois spectacles une montée de la mort à la renaissance, qui avait commencé par Attends, attends, attends… (pour mon père), dialogue imaginaire entre un fils et son père. Pour ce solo, Jan Fabre s’est inspiré de la vie de son propre danseur Cédric Charron. En effet, c’est en voyant le père de celui-ci qui regardait danser son fils sur la scène de Montpellier il y a une quinzaine d’années qu’a germé l’idée. Tandis que Cédric Charron, habillé tout de rouge, prend le micro pour faire résonner son nom identique à celui de la mythologie grecque, on traverse le Styx. Mais pour le spectateur, la progression de ces trois spectacles est une heureuse et intense traversée, des rivages de la finitude jusqu’au flot du temps présent où règne la danse des vivants. Émilie Darlier [Photos © Wong Bergmann, P. Verbruggen, Achille LePara] |
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