« J’aime Valentine mais bon… », comédie psycho-atypique
Partant du principe qu’il faut changer le monde, Rudy Milstein a écrit une comédie piquante sur un trio d’amoureux contrariés par leur différentes cultures. Dans la mise en scène alerte de Mikael Chirinian, auteur de l’émouvant solo « L’ombre de la Baleine » donné juste avant dans le tout nouveau Théâtre Lepic de Salomé Lelouch, Agnès Miguras, Farid Bouzenad et l’auteur incarnent ces trentenaires voguant entre New York et Paris qui cherchent l’Amour avec un grand « A » compatible avec leur propre « Histoire » avec un grand « H ». Un sacré challenge !
La pensée magique
Quand Idal (Rudy Milstein) débarque à New-York pour fuir l’ambiance plombée des attentats de Paris en novembre 2015, c’est un jeune homme déprimé qui se cherche et trouve refuge chez une « amie » de lycée, Valentine (Agnès Miguras), pas perdue de vue mais pas du tout son genre. La jeune femme, hyper-active, vive, chaleureuse, lui débrouille un rendez-vous express dans la start-up d’import export de son boss Marc (Farid Bouzenad), qui n’est autre que son petit ami. Marc est musulman, Valentine est baptisée catholique et Idal est juif. Une fois le rendez-vous d’Idal pris et totalement loupé au vu de son niveau d’anglais, ce dernier profite de l’hospitalité de son ancienne copine de lycée qui lui fait partager en toute intimité sa cuisine et son salon dans le minuscule studio de Manhattan. La promiscuité, ou le charme ravageur de Valentine, feront basculer les sentiments d’Idal dans la Grosse Pomme, sous une pluie romantique.
De la magie de la rencontre au réel de la cohabitation
L’intérêt et la saveur de la pièce de Rudy Milstein, dont a déjà pu apprécier le flegme et l’ironie dévastatrice dans « Les malheurs de Rudy », tient à la sincérité de son propos raconté dans la pièce à la première personne, face aux spectateurs, comme s’il était à la fois le narrateur et le personnage de sa propre histoire. Allure dégingandée, veste de travers et pantalon en accordéon, le jeune comédien nous livre malgré tout la somme totale de ses contradictions existentielles, avec une sincérité et une cocasserie désopilante. Entre Woody Allen et Groucho Marx, le rire en bandoulière, le personnage d’Idal est prêt à toutes les aventures, cachant son ignorance derrière une bonne humeur de circonstance, alors que cette même naïveté le rattrape dangereusement dès lors que sa relation à Valentine passe du flirt aux fiançailles.
Choc des cultures
Comment lui avouer que son châle de prière est une relique vivante qui l’enveloppe dans la prière rituelle en souvenir de son père ? Que sa grand-mère a été déportée à Auschwitz et qu’il n’apprécie pas trop l’andouillette de porc ? Dans l’astucieux décor léger et mobile de Natacha Markoff qui met de guingois les murs des appartements, les trois comédiens sont épatants de malice et de vivacité, habillant d’un humour féroce et tendre les réflexions existentielles les plus graves sur l’amour et la liberté individuelle. Hormis quelques facilités d’écriture, cette comédie légère très justement mise en scène est une jolie réflexion sur l’ouverture aux autres et la tolérance.
Hélène Kuttner
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