J’ai passé ma vie à chercher l’ouvre-boîtes – Théâtre du Rond-Point
Sur la scène, une chaise longue et un môme aux cheveux longs, c’est tout. Il n’en faut pas plus pour que tout un monde surgisse, un monde vu par un gamin de douze ans qui nous conte, ahuri, dépité et rusé, les aventures de sa charmante famille dans un trou paumé du côté de la Picardie et le sillage de l’esprit soixante-huitard.
L’adolescent mal coiffé s’appelle Marcel-Trinidad, sa mère Simone ; le père est coincé dans sa tête depuis la guerre d’Algérie, la grand-mère est un adorable tyran et les voisins du village sont les victimes des farces de ce même dénommé Marcel-Trinidad. Il y a aussi la femme de ménage Dalila qui est sourde, le chien, les cas sociaux qui sont invités le dimanche et les frangines qui occupent sans fin la salle de bain.
Bref, une famille charmante où chacun court en trimballant ses névroses, tandis que le petit dernier regarde tout ça avec une fraîcheur désopilante et piquante. Et ce sont tous ces personnages qui surgissent dans notre imagination grâce à la narration spontanée du gamin, tantôt dans la cuisine ou le jardin… d’où la chaise longue.
Un duo huilé
L’association Barthélémy-Châtelain propose un emboîtement bien réglé par le metteur en scène Claude Aufaure. L’auteur en effet est lui-même acteur ; que ce soit aux côtés d’Elie Semoun ou dans la troupe des Robin des Bois, avec Djamel Debbouze ou Alain Chabat, il a montré sur les planches et au cinéma son esprit mis ici au service de la plume. Il joue d’un humour chargé d’une fine observation et d’un charme enfantin et généreux. On retrouve ces ingrédients dans son monologue, car en dépit du chaos du quotidien, coule toujours une saveur juvénile. Cependant, pour que la fresque familiale prenne un piment bien au-delà d’une génération ou d’une province, il fallait un comédien capable d’emmener une tranche de vie saugrenue dans une zone qui nous concerne tous.
Jean-Quentin Châtelain qui a joué dans une cinquantaine de spectacles, sous la direction de Jacques Lasalle ou de Claude Régy des rôles allant de Shakespeare à Beckett, dispose de cette capacité de toucher et faire vibrer la corde en chacun la plus tendre aussi dérisoire, cruelle ou pathétique soit-elle. Alors, quand il rentre dans la peau de ce gosse fantasque et finaud, il parvient à le nourrir d’une malice généreuse qui concerne l’enfance universelle. Il est roublard certes, et il se désole du cocon familial gentiment loufoque, mais il est fondamentalement heureux, utilisant finement les petits délabrements ordinaires d’une famille finalement bien structurante. D’où une drôlerie inoffensive et reposante, qui met le public à l’aise, tel le gamin dans sa chaise longue.
Isabelle Bournat
J’ai passé ma vie à chercher l’ouvre-boîtes
De Maurice-Domingue Barthélémy
Mise en scène de Claude Aufaure
Avec Jean-Quentin Châtelain
Du 27 novembre au 30 décembre 2012 à 21h
Le dimanche 15h30
Relàche les lundis, dimanche 2 et mardi 25 décembre
Tarifs : de 11 à 28 euros
Réservations : 01.44.95.98.21
Durée : 1h30
Théâtre du Rond-Point
2bis, avenue Franklin D.Roosevelt
75008 Paris
M° Franklin Roosevelt
[Visuel : J’ai passé ma vie à chercher l’ouvre-boîtes. © Stéphane Trapier]
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