“Irish Travellers” : la liberté des nomades irlandais célébrée par Bartabas
Après le premier Cabaret de l’Exil consacré au monde Yiddish, le cavalier et concepteur de spectacles Bartabas revient dans son chapiteau pour nous raconter en images le voyage des nomades irlandais, en exil dans leur propre pays. Un spectacle d’une poétique intensité à la gloire de la liberté et de la beauté, avec des chevaux somptueux et des interprètes étonnants.
Manège de roulottes
Une roulotte en feu, qui trace autour de la piste son sillage de flammes et de fumée dansante, tandis que trois cavaliers coiffés de bérets, le corps fuselé dans un habit noir, gambadent comme des étalons pour ensuite voltiger en les montant comme des danseurs ailés. La poésie, le voyage et la musique de ces “Irish Travellers”, personnifiés par le chanteur Thomas McCarthy et ses quatre musiciens avec violon, Uilean pipes, accordéon, piano et bodhrán, sont les simples ingrédients de ce spectacle aux images fortes comme la vie, ancrées dans une terre celtique et pétrie de tragédies. Contrairement aux Tziganes qui migraient de pays en pays, ces Voyageurs Irlandais font partie d’une communauté nomade dans leur propre pays, longtemps méprisée et maltraitée par l’Etat. Ils sillonnaient le pays en roulottes ou à cheval par groupe de trois ou quatre familles, qui avaient l’habitude de se réunir pour chanter autour d’un feu en transmettant aux autres les nouvelles des uns et des autres. Leur langue est un dialecte oral tiré du gaélique. C’est ainsi que le chanteur, qui vient d’une ancienne famille, nous chante et nous raconte des histoires d’amour et de vie, de faim et de désir, entre chaque tableau.
Des oies et un acrobate à tête de buffle
On voit ainsi, dans une scénographie aux ombres illuminées par les chandelles des tables installées en cercle autour de la piste, un troupeau d’oies rousses qui semblent obéir à une chorégraphie biblique et des moutons qui leur répondent en choeur. Après les écuyers masculins, des acrobates féminines en pull jacquard rouge voltigent avec des chevaux sur lesquels elles se tiennent debout, pivotent et effectuent des pirouettes et des saltos. Comme toujours chez Zingaro l’exercice est périlleux, parfait du point de vue technique et d’une grâce infinie. Une autre écuyère, qui déboule au galop à toute berzingue sur un alezan brun roux, va même jusqu’à se tenir debout en jouant du violon ou de l’accordéon ! La finesse des athlètes, leur capacité à créer des prouesses sidérantes et toujours poétiques, n’est plus à démontrer. Quand arrive, tout à coup, un acrobate, Leonardo Montesor, qui s’élève dans les sommets avec une corde volante, la tête recouverte d’un immense masque de bouc, effectuant au sommet du chapiteau des pirouettes magistrales, en s’enroulant à moitié nu dans sa corde, tutoyant l’auditoire avec son numéro surprenant, on bascule soudain dans un monde où hommes et animaux se retrouvent, en référence au Puck Goat légendaire, symbole de fertilité pour ce peuple de nomades.
Le choc des contraires
Terriblement dynamique, voici une fée de taille minuscule, chevauchant un petit cheval blanc, et affichant aux yeux de tous un sourire jovial, quand un porteur de barriques, massif comme un fût de bière, défile en portant sur chaque plateau une jeune écuyère. Dans une mer de nuages, un cheval blanc émerge comme un albatros, comme s’il sortait d’un rêve, après que des cavaliers enivrés aient strié violemment l’atmosphère en traversant de leurs pattes trépidantes des tables emplies de chopes de bière. Puis de nouveau une noria de roulottes miniatures qui raconte la liberté et la lutte pour survivre à travers les contrées ancestrales. La flamme de la vie, encore, qu’avec nos yeux d’enfant on ne quitte jamais.
Hélène Kuttner
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